L’impact de la dégradation de la situation économique sur la réalité sociale… et les innovations des femmes dans la Bekaa
La réalité de l’effondrement économique au Liban a conduit à une augmentation de l’exploitation financière des femmes et au manque d’opportunités d’emploi pour elles. C’est ce qu’a exprimé Alaa Al-Zouhouri (28 ans), résidente d’Al-Manara dans la Bekaa occidentale. Cette réalité représente l’une des raisons qui l’a poussée à rechercher des projets économiques visant à créer des opportunités d’emploi pour les femmes qui jouissent de l’expérience et des compétences dans divers domaines, en plus de créer des solutions qui pourraient suffire à restaurer quelques effets des crises dans le pays
Le premier projet qu’elle a présenté dans le cadre de sa participation à un programme de formation sur le leadership communautaire en 2016 consistait à recycler des vêtements pour créer des opportunités d’emploi pour les femmes ayant de l’expérience dans la couture et la broderie.
Al-Zouhouri affirme : J’ai essayé de rassembler le plus grand nombre de femmes de la région où j’y réside, de différentes nationalités et de différents âges, ayant une expérience dans le domaine du tricot.Nous avons obtenu des résultats positifs, mais dans les étapes finales, nous avons été confrontés à des défis économiques difficiles, dont le plus important était le financement insuffisant du projet.
Les initiatives individuelles sont loin d’être le rôle des associations et des institutions sur lesquelles on peut compter pour un financement, ce qui fait que ces initiatives reposent sur des efforts collectifs visant à réduire le moins possible le fardeau des crises.
Les femmes se tiennent main dans la main malgré les crises successives et les défis financiers auxquels sont confrontées leurs projets individuels
En raison de l’escalade des crises au Liban de diverses manières et l’exacerbation de la crise des déchets qui a touché toutes les régions du Liban au cours des dernières années, et suite à la crise financière, qui a réduit au minimum les possibilités de gestion des déchets, la collecte et l’élimination des déchets n’ont pas été pratiquées de manière adéquate. Cela a créé de nouvelles crises dans le pays à tous les niveaux économiques, sociaux et environnementaux.
Mais les femmes de la Bekaa ne perdent jamais l’espoir.
À la lumière de ces crises, Al-Zouhouri a expérimenté la possibilité de crocheter des sacs en plastique usagés, revitalisant son premier projet et le transformant du recyclage des vêtements au recyclage des sacs en plastique.
Al-Zouhouri et un groupe de femmes, qui comprend environ une douzaine de femmes possédant des compétences et de l’expérience dans le domaine de la couture, ont commencé à collecter des sacs en plastique, à les nettoyer et à les stériliser, à les transformer en fils, puis à les coudre pour obtenir différents modèles.
Leur première expérience se manifeste avec des petits morceaux de décorations pour Noël.
Après le succès de leur première expérience, il a développé des designs et des produits dont nous pouvons bénéficier dans notre vie quotidienne. Le groupe de femmes s’est élargi pour inclure un plus grand nombre de femmes, en les formant au tricot et à l’artisanat. Cette équipe féminine de la Bekaa s’est répartie dans plusieurs villes comme Majdal Anjar, Barelias et Al-Marj.
D’ici s’est lancée l’initiative Jellyfish 2017, Sous la supervision d’Alaa Al-Zouhouri et d’une équipe de femmes de différentes sectes et villes.
Participer à de nombreux marchés, expositions et festivals dans lesquels sont exposés des produits artisanaux, comme l’exposition Souk Al-Tayeb à Beyrouth, à laquelle elle participe périodiquement.
Élaborer des plans pour commercialiser les produits et augmenter le nombre de femmes bénéficiaires travaillant au sein du projet.
Al-Zouhouri me raconte que ce qui rend l’initiative spéciale, c’est que l’équipe féminine est désireuse de commercialiser les produits artisanaux de haute qualité, non seulement dans le but d’acheter et de faire un don au projet, mais en même temps pour promouvoir le produit en créant de pages sur les sites de réseaux sociaux (Facebook, Instagram).
La plus grande somme de la vente du produit revient à la femme qui l’a fabriqué. Après une formation sur le développement d’initiatives communautaires émergeant du projet d’atelier menée à l’Université Internationale Libanaise de la ville Al-Khayara dans la Bekaa occidentale en 2019, ce fut un saut qualitatif pour le projet nous remportant le premier prix de 3000 euros décerné par l’organisation italienne COSV. Nous avons également reçu le prix de la meilleure startup de l’organisation Spark et Jusoor ainsi qu’un prix d’une valeur de 7000$.
Ayant gagné les deux prix, nous avons pu élargir et former des groupes de femmes dans la Bekaa, Arsal, Tripoli et Sidon jusqu’à atteindre la formation d’un bon nombre de femmes. Certaines d’entre elles qui ont exprimé leur intérêt et leur activité dans l’apprentissage du métier et leur désir de travailler dans le cadre du projet, ont été formées à des niveaux avancés et ont travaillé à la fabrication de produits.
Manar Nasr (38 ans), habite à Majdal Anjar, est l’une des femmes qui ont participé au projet :
J’ai entendu parler de cette initiative par l’intermédiaire de femmes qui habitent dans mon quartier et j’ai contacté l’une des formatrices à la broderie. Je n’avais pas assez d’expérience dans ce domaine. Après la supervision des formatrices, j’ai acquis de solides compétences et expériences et j’ai pu créer divers modèles tels que des sacs, des paniers et des jouets pour les enfants. Ma participation et mon désir de faire partie de ce projet avaient pour but d’acquérir des compétences et de l’expérience dans le domaine de l’artisanat et de les développer, et de ressentir un sentiment de créativité et d’accomplissement après chaque réalisation d’un design, en plus d’assurer un retour financier.
Al-Zouhouri poursuit : En raison du marché local, qui regorge de produits artisanaux, nous avons essayé de licencier l’initiative et de travailler davantage sur l’exportation des produits et leur distribution à l’étranger. Mais avec le début de la pandémie de Covid-19 et l’aggravation de la crise économique, cela a eu un impact négatif sur notre initiative, notre travail et la commercialisation des produits.
Malgré toutes les difficultés que traverse le Liban et les défis qui ont entravé notre développement dans l’initiative, nous avons continué à collecter des sacs en plastique et à travailler sur des formations dans diverses régions du Liban qui ont aidé les femmes à gérer les déchets plastiques et à les transformer en produits utiles pour elles.
L’Initiative Jellyfish… apporte des aspirations et des objectifs au niveau environnemental et sociétal.
Notre mise en place du projet ne s’est pas faite du néant, selon ce qu’a dit Al-Zouhouri, mais il a plutôt deux objectifs principaux.
Le premier objectif : est d’autonomiser les femmes dans la société, de les aider à trouver des opportunités d’emploi et de sécuriser leurs revenus financiers.
Le deuxième objectif : créer un système environnemental qui contribue à atténuer les dommages causés par les sacs en plastique usagés répandus dans la nature, en particulier après l’intensification de la crise des déchets au Liban en 2017. Le grand nombre de sacs en plastique qui arrivent sur les plages sont avalés par les tortues marines, les faisant suffoquer puis mourir, ce qui les expose à l’extinction. La forme des sacs en plastique dans la mer ressemble à celle d’une méduse, et sur cette base, le nom de l’initiative est venu (Jellyfish – méduse).
Alaa Al-Zouhouri, de nationalité syrienne et résidante au Liban (Bekaa) depuis 2013, indique qu’elle a contribué à travers cette initiative à résoudre une crise environnementale dont tout le monde souffre. En même temps, elle ne doit pas être un fardeau pour sa société d’accueil et apporter sa contribution à ce pays dans lequel elle réside depuis huit ans.
Jusqu’à présent, elle cherche des moyens de commercialiser des produits et un soutien pour former le plus grand nombre de femmes dans diverses régions du Liban, quelles que soient leurs nationalités et affiliations, et pour aider chaque femme à atteindre le poste qu'’elle espère.
Les efforts des femmes jouent un rôle essentiel dans les communautés locales, car elles offrent des perspectives, des compétences et des expériences uniques. Leurs contributions sont essentielles pour promouvoir le dialogue, la réconciliation et la paix durable au sein des communautés, et pour impliquer les femmes dans des initiatives au niveau local. Ce genre d’initiatives ne leur permettent pas uniquement de devenir des agents du changement, mais de créer également une approche plus inclusive et diversifiée de la résolution des conflits, en affrontant tous les défis qui peuvent entraver leur prise de décision, en garantissant des opportunités de travail plus sûres et moins exploitantes.
Des initiatives comme celle-ci ont le pouvoir de rassembler les gens, de combler les écarts et de créer des espaces sûrs.
Cela contribue également à instaurer la confiance et à améliorer la compréhension et la coopération entre les membres de la communauté. Il est essentiel que nous reconnaissions et soutenions le rôle important que jouent les femmes dans les efforts locaux de consolidation de la paix, car leurs contributions poussent à créer un monde plus juste et plus équitable. En reconnaissant et en soutenant les efforts des femmes au niveau local, nous pouvons œuvrer pour une société plus pacifique et inclusive au Liban.