Quelle naïveté que de penser qu’un gouvernement qui néglige autant sa propre population, allait benoîtement s’occuper des résidents étrangers sur son territoire, à plus forte raison lorsque ce sont des réfugiés en situation de précarité ou complètement démunis ! Quelle candeur que d’imaginer un seul instant qu’un État qui a failli à la quasi-totalité de ses obligations à l’égard de ses propres citoyens, que cela soit en termes de sécurité ou de services publics de base, allait soudain se pencher sur les heurts et malheurs de gens installés sur son territoire à leur corps défendant, et qui plus est sont accusés d’être à l’origine de la catastrophe qui frappe le Liban !
Évidemment, il est certainement plus confortable de se défausser en évoquant un « complot international » imaginaire et de se soustraire à toute responsabilité, en livrant clés en main l’ensemble du problème aux agences de secours des Nations Unies et aux ONG. Alors forcément, tout ce qu’endure la population libanaise dans sa vie quotidienne : pénurie de carburant, d’électricité et d’eau, disparition des médicaments des rayons des pharmacies, effondrement annoncé du système de santé et des hôpitaux, hausse du prix du pain, désorganisation de la distribution alimentaire dans les commerces et supermarchés... Tout cela donc est condamné à s’étendre et englobe déjà dans des conditions encore plus dramatiques les populations étrangères marginalisées.
Même au niveau de la pandémie de coronavirus, il a fallu attendre les dernières livraisons de vaccins anti-Covid pour penser à inclure les réfugiés et autres migrants dans la campagne de vaccination. Et encore ! Il a fallu attendre plusieurs mois pour que la mention « Nationalité étrangère » soit ajoutée à la case prévue à cet effet sur la plateforme d’enregistrement en ligne. Certains responsables de partis avaient même poussé à donner la « priorité aux Libanais », faisant preuve d’une ignorance certaine, quand on sait que le virus, lui, ne fait pas la différence entre les nationalités, et que pour atteindre l’immunité collective, il faut vacciner le maximum de résidents au Liban. Il est proprement hallucinant de constater que finalement le fanatisme, le sectarisme et la xénophobie, ajoutés à l’incompétence et la corruption n’ont pour origine qu’un seul travers : une absence effarante d’éducation citoyenne au sein de la classe politique libanaise.