À aucun moment de l’histoire du Liban, le pays n’a eu autant besoin d’informations fiables fournies par ses médias d’information en place, en particulier ses journaux de confiance.
Le pays étant pris dans les tourbillons de multiples tempêtes, les citoyens ont désespérément besoin de faits, d’une image précise de ce qui se passe sur le terrain et peut-être avec davantage d’importance encore que ce qui reste à venir.
Pourtant, il est tragique qu’à un moment aussi crucial de l’histoire du Liban, les médias du pays, vulnérables aux mêmes maux qui secouent le pays, soient les plus désavantagés et souffrent coup après coup jusqu’à ce que leurs voix soient presque étouffées.
Ce n'est un secret pour personne que les journaux traditionnels sont en déclin dans le monde depuis des années, en raison de la prévalence croissante des médias sociaux et de l'essor des plateformes numériques. Le changement de préférence des lecteurs pour les sources en ligne a naturellement entraîné une contraction des revenus publicitaires à destination des publications imprimées.
Au Liban cependant, les difficultés ont été plus aiguës. L'industrie des médias était déjà en difficulté avant même les manifestations qui ont éclaté le 17 octobre de l'année dernière. Mais la paralysie économique et la crise financière, ainsi que les contraintes qui ont suivi, ont miné encore plus ce qui restait de ressources à proprement parler, en particulier en provenance du secteur bancaire, source majeure des revenus publicitaires pour les journaux et autres médias.
Le confinement à l'échelle nationale suite à la détection des cas de Covid-19 au Liban a aggravé les choses, contractant davantage l'économie et rendant même la notion de revenus publicitaires futurs invraisemblable. Même le soutien financier des formations politiques, source traditionnelle de revenus des médias dans la région, s'est tari.
Puis vint l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth qui, en plus de tuer près de 200 personnes, blesser des milliers d’autres et détruire des milliers de maisons dans la capitale, a provoqué des dégâts matériels dans les bureaux des principaux médias, notamment les quotidiens Daily Star et an-Nahar, à un moment où ces deux journaux sont engagés dans une lutte ardue et sont incapables de couvrir leurs frais.
Pendant ce temps, et alors que les médias de confiance du pays s'efforcent de réparer les dégâts, les réseaux sociaux sont bombardés de fausses nouvelles qui déforment la réalité et brouillent la perception des gens, à un moment où ils ont désespérément besoin de savoir ce qu’il se passe réellement. Les médias traditionnels n'ayant plus les ressources suffisantes pour fournir une information professionnelle de qualité, le public se retrouve soumis à un contenu faussé, biaisé et manipulateur qui aggrave encore plus les tensions sectaires dans un pays au bord du gouffre.
De plus, dans un Liban traditionnellement connu pour être le phare de la presse libre au Moyen-Orient, la liberté des médias est de plus en plus frappée de restrictions tandis que les journalistes, qui ont du mal à joindre les deux bouts, autant sinon plus que quiconque, subissent des poursuites absurdes, alors même que les publications et déclarations les plus triviales sont diffusées sur les réseaux sociaux.
Aujourd’hui plus que jamais, les médias libanais traditionnels ont besoin d’aide pour revenir à l’avant-garde de l’information et du reportage. Ils ont besoin d'aide pour être en mesure de couper court aux rumeurs et insinuations qui accroissent les tensions, repousser les nouvelles fabriquées de toutes pièces qui affligent les réseaux sociaux, et redevenir les organismes vers lesquels les gens se tournent quand ils ont le plus besoin d’une couverture factuelle et de qualité.