La détresse insoutenable des familles qui recherchent toujours leurs disparus - Une mauvaise coordination entre les services compétents rend leur mission plus difficile

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Posté sur sept. 16 2020 par Mariam Seif Eddine, Journaliste 6 minutes de lecture
La détresse insoutenable des familles qui recherchent toujours leurs disparus - Une mauvaise coordination entre les services compétents rend leur mission plus difficile
©Ali Zbeeb
Des jours durant, les Libanais ont suivi avec une angoisse mêlée d’inquiétude les informations relatives à la présence de 52 personnes portées disparues à la suite de l’explosion du 4 août au port de Beyrouth. Une angoisse que l’absence de chiffres officiels sur le nombre de disparus a accentuée jusqu’à ce que le secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise, Georges Kettaneh annonce que jusqu’au 25 août, seuls sept individus n’avaient toujours pas été retrouvés : quatre Libanais, deux Syriens et un Égyptien qu’il n’a pas cependant identifiés.

Des jours durant, les Libanais ont suivi avec une angoisse mêlée d’inquiétude les informations relatives à la présence de 52 personnes portées disparues à la suite de l’explosion du 4 août au port de Beyrouth. Une angoisse que l’absence de chiffres officiels sur le nombre de disparus a accentuée jusqu’à ce que le secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise, Georges Kettaneh annonce que jusqu’au 25 août, seuls sept individus n’avaient toujours pas été retrouvés : quatre Libanais, deux Syriens et un Égyptien qu’il n’a pas cependant identifiés.

Parallèlement, de source des Forces de sécurité intérieure (FSI) on a fait état de quatre disparus seulement dont deux qui auraient pu ne pas être sur les lieux du drame ce jour-là. Quel que soit le nombre des individus dont le sort reste inconnu, il est certain que des dizaines de personnes attendent, le cœur serré et la peur au ventre, d’avoir la moindre information sur leurs proches. Ceux qui ont perdu tout espoir de les retrouver vivants, attendent qu’on leur remette un corps pour qu’il puisse l’enterrer et en finir avec une incertitude qui les ronge.

Pendant que les parents attendent de connaître le sort de leurs enfants disparus, les opérations de secours mettent en lumière plusieurs lacunes qui empêchent celles-ci d’aboutir. Parmi les nombreuses questions posées aux services concernés, notamment au ministère de la Santé, à l’armée et aux FSI, il ressort que c’est le manque de coordination et d’expérience dans la gestion de ce genre de catastrophe, qui retarde la localisation des personnes encore disparues. Au sein de l’armée et des FSI, on assure que les recherches se poursuivent et on explique qu’un numéro de téléphone a été mis à la disposition des familles d’étrangers qui croient avoir un proche parmi les disparus. De sources policières, on souligne aussi dans ce contexte l’importance de l’aide que les patrons de travailleurs étrangers peuvent apporter à ce niveau, puisqu’ils sont en mesure d’alerter sur leur disparition. En tout état de cause, les recherches se poursuivent et des corps d’étrangers ont déjà été retrouvés mais ne devraient être remis à leurs familles qu’une fois celles-ci sur place et après le test d’ADN qu’elles devront subir.

La douleur qui s’est emparée des Libanais à la suite de l’explosion tragique du 4 août et de ses effets dévastateurs sur les esprits et sur la ville, a ravivé une autre, directement liée à ce mot, « les disparus ». Celui-ci a ressuscité du fond des sentiments enfouis. Certains ont établi un lien entre les personnes dont le sort restait inconnu après la tragédie et celles disparues durant la guerre civile (1975-1990), dont on ne sait toujours rien. Même si les circonstances et le timing des deux causes diffèrent, il reste que le désarroi et la douleur liées à la perte d’un être cher sont les mêmes.

Parler à nouveau de disparus a notamment fait ressurgir des sentiments et des souvenirs enfouis chez la présidente du Comité des parents des personnes enlevées et disparues au Liban, Wadad Halaouani. Sur sa page Facebook, elle a adressé une lettre à ceux qui essaient d’avoir des nouvelles de leurs proches, dans laquelle leur dit : « Nous ne voulons pas que votre sort ressemble au nôtre ». 

« Je n’ai eu le courage d’affronter aucune mère, aucun père, parce que je n’ai pas réussi à me contrôler en voyant de nouvelles victimes vivre dans l’attente du retour hypothétique d’un être cher. Le pire est l’absence de chiffres officiels », confie la dame qui essaie toujours, 38 ans plus tard, de retrouver son mari. Elle redoute une négligence de l’État au niveau de la recherche des disparus à la suite de l’explosion tragique et craint que les autorités n’abreuvent leurs parents des mêmes justifications dont elles avaient abreuvé les familles des disparus de la guerre. « Sinon, ils vont finir comme nous, des morts-vivants qui ne font qu’attendre. Plus difficile que la mort est d’attendre un être qui ne donne aucun signe de vie et dont on ignore le sort. La mort est certes dure, mais la vie continue une fois qu’on a fait notre deuil. La vérité est le seul remède après la perte d’un être cher, qu’on retrouve son corps ou seulement ses restes », confie-t-elle.

Les craintes d’un laisser-aller de l’État semblent justifiées. Les témoignages de nombreuses personnes qui se sont mises à rechercher leurs proches après l’explosion se recoupent autour d’une mauvaise gestion des services concernés. La famille de l’une des victimes, Ghassan Hasrouti, en sait quelque chose pour avoir tout fait pour le retrouver avant d’élever la voix. Le fils de Ghassan, Élie, raconte qu’il était entré en contact avec toutes les services pour essayer de retrouver son père, mais qu’à chaque fois, l’un d’eux le référait à un autre. « Un de ces services a été jusqu’à nous conseiller de nous en occuper nous-mêmes », s’indigne-t-il.

Selon le directeur exécutif de Legal agenda, l’avocat Nizar Saghieh, l’État libanais était supposé, conformément à la Convention de Genève et aux engagements internationaux du Liban, mettre en place un bureau chargé de suivre le dossier des personnes portées disparues en cas de guerre. « Sa mission aurait été d’intervenir rapidement pour identifier tous les détails en rapport avec la disparition de quelqu’un. Nous réclamons depuis 2006 la création de ce bureau. La Croix-Rouge internationale avait formulé la même requête auprès de l’armée, d’autant que ce bureau peut aussi être utile en cas de catastrophe. S’il existait, il aurait pu assurer une meilleure expertise au niveau des recherches aujourd’hui », explique-t-il. Pour l’avocat, le problème fondamental réside dans le fait que l’État n’est pas préparé à faire face à une catastrophe. « C’est la décrépitude même des institutions. Les gens sont livrés à leur propre sort », commente-t-il.

Même si le nombre des personnes portées disparues a baissé, le fait qu’il y ait encore des victimes dont le sort demeure inconnu et la détresse de leurs familles respectives qui attendent la moindre information les concernant, devraient pousser l’État à agir sérieusement pour les retrouver. Il est important qu’ils ne se transforment pas en chiffres supplémentaires sur la liste des disparus.

La confusion au niveau de la gestion de cette catastrophe commande aussi à l’État de revoir ses dispositifs de gestion des désastres, si jamais un autre devait se produire, pour préserver les droits et la dignité de l’être humain.

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