L’impact de l’explosion de Beyrouth, le 4 août, a frappé chaque Libanais dans le monde. Près de 4 millions vivent dans le pays. Six à neuf millions représentent la diaspora. Alors que je ne cessais de rejouer dans ma tête les images de l’explosion, imaginant l’effondrement de la capitale, la diaspora libanaise était déjà entrée en action. Elle semblait dire au Liban et à Beyrouth : « Cela vous fait mal et nous vous soutenons ». Le rôle de la diaspora a été essentiel, mais surtout critique.
Où qu’ils soient, les expatriés ont immédiatement envoyé de l’argent à leurs proches touchés par l’explosion. Ils ont mis en place des collectes de fonds en ligne pour l’aide humanitaire qui sera transférée à la Croix-Rouge libanaise et d’autres ONG de confiance. Ils ont aussi envoyé des colis de fournitures médicales, de nourriture et même de vêtements. De plus, ils sensibilisent les non-Libanais, les incitant à se rassembler et à aider comme ils le peuvent.
« La diaspora a été l’ange gardien de l’économie libanaise à travers l’histoire », déclare Paola el-Sitt, fashionista libanaise basée à Dubaï. En partenariat avec le Croissant-Rouge émirati et l’école al-Mawakeb, elle a réussi à collecter en l’espace de trois jours plus de 160 tonnes d’aides. « Chaque expatrié ressent le devoir national de se tenir aux côtés du Liban de toutes les manières possibles. »
Impact Lebanon, une organisation à but non lucratif basée à Londres et fondée par des Libanais de la diaspora, a créé un fonds de secours en cas de catastrophe qui a levé environ 6,5 millions de livres sterling pour aider les organisations de confiance sur le terrain.
« À Impact Lebanon, nous sommes convaincus que le changement doit être mené et conduit dans le pays même, mais aussi localement. Nous estimons que la diaspora a un rôle catalyseur dans ce changement », affirme Bilal Malaeb, cofondateur de l’organisation. « La diaspora a suffisamment de distance émotionnelle pour pouvoir se mobiliser, mais elle se distingue aussi par une connexion émotionnelle et un fort accès aux réseaux locaux. Nous pensons que la reconstruction de Beyrouth est un effort national dont la diaspora fait partie, mais elle doit être menée par le pays. »
L’explosion s’est produite dans le contexte général de l’une des pires crises économiques que connaît le Liban, aggravée par la pandémie du Covid-19. Une étude menée par l’Organisation internationale du Travail, l’Institut Fafo pour le travail et la recherche sociale, le Programme des Nations Unies pour le développement et d’autres organisations, a mis en relief une détérioration générale des conditions de vie et de travail de la population libanaise en raison de la pandémie.
De plus, en raison de la crise économique, qui est indépendante de la pandémie, le Liban est confronté à des problèmes de famine similaires à ceux de la grande famine de 1915, les prix des denrées alimentaires ayant augmenté de 56 % depuis octobre, selon un rapport de Business Insider daté de juillet. Selon le Pnud, près de 300 000 personnes ont été déplacées et la principale source d’importation du pays, c’est-à-dire le port de Beyrouth, est en réhabilitation depuis l’explosion, selon un rapport de Dar al-Handasa.
« La souffrance et la misère sont réelles. Nous avons le droit de les ressentir et de pleurer ceux que nous avons perdu. Cela, nous ne l’ôtons pas à nos amis et à notre famille, confie Malaeb. Ceci dit, au cours des crises récentes, il était également clair que les Libanais étaient résolus à prendre leur vie et leur avenir en main. »
L’organisation, c’est la façon avec laquelle la diaspora exprime sa loyauté envers son pays d’origine. L’initiative est née du besoin des Libanais de l’étranger d’aider leur pays à distance. Depuis l’explosion, cette dévotion n’a fait que s’amplifier.
Maria Haag, Germano-Libanaise, et Racha Chahine, Anglo-Libanaise, ont accordé la priorité à la sensibilisation à la situation qui prévaut au Liban depuis l’explosion. Par le biais de leur Université de Kent, au Royaume-Uni, elles ont lancé une campagne pour collecter des dons d’argent à des ONG locales. Elles ont confié qu’il était accablant de voir son pays détruit et de ne pas pouvoir aider en étant « sur le terrain », comme le souligne Maria Haag.
Racha Chahine, pour sa part, a souligné qu’en tant que membres de la diaspora, elles savaient qu’elles devaient faire tout leur possible pour sensibiliser aux événements du 4 août.
Majd Faraj, étudiant en médecine libano-américain basé au Michigan, a réussi à collecter, avec l’aide de la communauté libanaise de la ville, près de 70 000 dollars en fournitures médicales à envoyer au Liban.
Le Centre national libano-canadien a également créé immédiatement une page sur la plate-forme de collecte de fonds gratuite en ligne GoFundMe, pour rassembler des fonds destinés aux aides médicales, au logement, à la nourriture et autres.
La communauté brésilo-libanaise s’est, elle aussi, lancée immédiatement dans l’action. La Chambre de commerce arabo-brésilienne a ainsi engagé une campagne de dons en partenariat avec l’Association médicale libano-brésilienne afin de fournir de la nourriture, du matériel médical, des médicaments et des matériaux de construction pour un secours immédiat, selon leur site web.
Ce que Beyrouth a vu, c’est que ses fils sont toujours là pour lui, quelle que soit la distance qui les sépare.
« Chacun de nous a le devoir de contribuer à reconstruire le Liban, affirme Paola el-Sitt. La relance prendra du temps. Nous y parviendrons en unissant nos forces. »
Deux semaines après l’explosion, j’étais assise à la fenêtre en souriant, bien que tristement. C’était un dimanche. Il était 14h55. Je me suis alors rendue compte que peu importe si je vis dans un autre pays. Une fois que vous aviez vécu dans un endroit, vous ne le quittez jamais vraiment. Aussi, il y a encore de l’espoir pour un meilleur Liban.