La pandémie de Covid-19 a constitué un test pour voir à quel point les gens, ainsi que les médias, peuvent découvrir les fake news (fausses nouvelles). Hélas, on a pu ainsi mesurer la fragilité de l’immunité générale face à la désinformation, ainsi que la grande capacité de lancer des rumeurs qui peuvent être exploitées à des fins politiques.
En principe, on pense en général que le journaliste spécialisé est le seul en mesure de mettre un terme à la circulation des fake news. Mais le développement technologique a permis à tout le monde d’avoir accès à des outils gratuits, d’utilisation facile, qui permettent de vérifier les informations, notamment au sujet de la pandémie qu’on appelle « infodemic ».
Au cours des premiers mois de 2020, on a assisté au Liban à la multiplication d’informations sur les sites électroniques de news accusant telle ou telle autre partie d’avoir introduit et propagé le virus sciemment à partir de pays voisins. Il a même été question de la propagation du virus à travers des bennes à ordures dans certaines ambassades ou par le biais d’enveloppes venues de Chine. Bien entendu, ces informations n’étaient attribuées à aucune source. Elles n’étaient pas vérifiées et s’inscrivaient principalement dans le cadre des accusations politico-confessionnelles.
Le même phénomène s’est reproduit lors de l’explosion au port de Beyrouth, lorsqu’une capture d’écran fabriquée a commencé à circuler sur les réseaux sociaux, attribuée à l’hôpital de l’Université américaine de Beyrouth (AUH), dans laquelle il était dit qu’il valait mieux rester chez soi car l’explosion avait distillé dans l’air des particules de gaz d’acide nitrique toxique. L’hôpital en question avait démenti l’information dans plusieurs communiqués officiels.
Face à ces informations erronées, certains au Liban ont réagi en pointant du doigt toute personne ayant un physique asiatique, en raison d’une méconnaissance totale du virus et de ses moyens de propagation. Il y a presque eu à ce moment-là une sorte de « coronaphobie », qui s’est traduite concrètement par une apparition dans les médias d’un étudiant chinois en visite au Liban, Wang Yu, qui a raconté le calvaire qu’il était en train de vivre et l’ostracisme dont il était victime dans ce pays.
Dans une vidéo qui a été relayée par plusieurs médias, il a accusé certains Libanais de racisme à cause de la manière dont ils se sont comportés avec lui. Ce qui lui avait fait peur et craindre des réactions violentes contre sa personne. Au point qu’il en était arrivé à ne plus sortir de chez lui. Mais après la circulation de sa vidéo, il a été pris en charge, aidé et rassuré. Il a toutefois attribué ce qu’il a vécu à l’amplification médiatique et aux fausses informations qui ont circulé sur le coronavirus après son apparition.
Le même phénomène s’est produit à nouveau après la terrible explosion qui a secoué la capitale, le 4 août dernier. Des vidéos ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux attribuant l’explosion à un missile lancé à partir du ciel. Pourtant toutes les expertises effectuées démentent totalement ces allégations. Ce qui a été vu dans les vidéos et qui ressemblait à des avions était en fait des oiseaux. L’objectif de lancer l’idée d’un missile semblait illustrer le désir d’obtenir un maximum de « like » ou de « share » pour se faire une grande popularité sur les réseaux sociaux.
Dans ce contexte, il est donc bon de savoir que n’importe qui peut faire face à la circulation des fausses informations, avec des moyens qui ne sont pas seulement disponibles pour les spécialistes ou les techniciens. Ces moyens sont accessibles à tous. On peut en citer quelques- uns :
1- Réfléchir d’une façon logique et raisonnable.
Certains usagers des réseaux sociaux partagent des informations qu’ils estiment utiles, mais le plus souvent sans prendre la peine de les vérifier auparavant, tout simplement parce qu’ils considèrent qu’elles en valent la peine.
C’est ainsi que de nombreuses informations ont circulé selon lesquelles une société de téléphonie mobile demande aux usagers d’ouvrir un certain lien pour obtenir un bouquet gratuit d’Internet ou des aides financières, sous prétexte qu’il s’agit d’un geste envers l’équipe médicale ou envers les gens en cette période de crise économique et sociale. Cela avait été démenti par les deux opérateurs Alfa et Touch, qui ont rappelé que lorsqu’ils veulent s’adresser à leurs clients ils le font directement. De même, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont à plusieurs reprises demandé aux utilisateurs des réseaux sociaux de faire attention aux faux liens destinés à s’emparer de leurs informations personnelles pour les utiliser ultérieurement dans des opérations de fraude.
Toujours dans ce contexte, il faut prendre en considération le fait qu’il existe des techniques de falsification qui ne sont pas perceptibles et qui produisent des vidéos ou des photos montées de toutes pièces. Par exemple, une vidéo dont on a dit qu’elle avait été réalisée en filmage thermique et dans laquelle on voit un missile s’approcher du port de Beyrouth avant la grande explosion, est apparue par la suite comme ayant été tournée selon la technique dite « inverted colors », dont l’application existe sur les téléphones portables. La séquence du missile qui s’approche de la terre y a été ajoutée par la suite. Il est ainsi apparu que la vidéo initiale, avec les véritables couleurs, avait été tournée par une personne qui travaillait à CNN et qu’il n’y avait aucune trace du missile dans ce qu’elle avait filmé.
2- S’assurer de la source
Les internautes reçoivent régulièrement des textes attractifs accompagnés de liens qui se réfèrent à des sites électroniques pour leur donner l’impression que ce qui est écrit est crédible. Mais un coup d’œil rapide aux liens cités montre qu’il ne s’agit pas de sites sérieux, et même le plus souvent de sites non-officiels suspects et peu professionnels.
Les utilisateurs de Google Chrome sur téléphone ou ordinateur peuvent en plus obtenir la traduction de n’importe quel texte. Ce qui peut les aider à s’assurer que les informations ne sont pas initialement écrites en arabe.
De même, il est toujours possible de copier les mots-clés de chaque information pour les remettre sur Google Chrome et faire ainsi une recherche sur le sujet. Rapidement, on peut trouver la date de la première apparition de l’information sur le net. Cela se produit souvent avec des déclarations inventées et attribuées à tel ou tel autre responsable. Ce fut notamment le cas avec le ministre de la Santé Hamad Hassan, lorsqu’on lui a fait dire qu’il comptait isoler une certaine région à cause de la propagation du virus.
Un autre exemple de fake news : le 29 janvier 2020, il a été dit que le quotidien an-Nahar en citant l’agence Reuters avait évoqué un grand silence entourant la mort d’un manifestant dans l’un des grands hôpitaux de Beyrouth à cause du coronavirus. Il est apparu par la suite que ce qui a été publié était un extrait d’un grand article publié par le Journal sur son site électronique pour dire que l’information rapportée par Reuters était fausse.
S’il s’agit d’une photo dont on veut vérifier la véracité, on peut recourir par exemple à la technique de la « Recherche d’image inversée » (Reverse Image Search) sur les téléphones de type Android ou Apple. Ce système permet de faire des recherches au sujet d’une photo en utilisant les moteurs de recherche Google, Bing ou Yandex.
Cette technique avait été aussi utilisée pour vérifier une des images qui s’était répandue sur les réseaux sociaux, à la suite de l’explosion au port. L’information accompagnant la photo disait que selon les médias israéliens, il s’agissait d’une vue aérienne du lieu de l’explosion. Il est apparu par la suite que cette photo avait été prise en 2015 lors d’une explosion dans la ville de Tianjin en Chine.
On ne peut pas non plus ignorer les problèmes suscités par la propagation des films-vidéos. Certains sont anciens mais on les ressort en faisant croire qu’ils sont récents et ils sont montés d’une nouvelle façon pour les rendre plus crédibles. A la fin du mois de février, une vidéo avait ainsi circulé, sous le titre : « Regardez qui se trouvait en Iran ! ». On y voit le président de la Chambre Nabih Berry. Mais après vérification, il est apparu qu’il s’agissait d’une visite qu’il avait effectuée à Kerbala en Irak, en avril 2019.
Un des meilleurs outils pour découvrir si une vidéo est fausse ou pour l’authentifier est le logiciel « InVID ». Celui-ci permet de vérifier l’authenticité d’une vidéo ainsi que les informations cachées (metadata) qu’elle pourrait renfermer.
Enfin, il reste à préciser que toute information doit être considérée comme fausse tant qu’elle n’a pas été recoupée et vérifiée. Ce principe de base doit rester en vigueur.