Comme si la crise économique et la pandémie de coronavirus ne suffisaient pas, il a fallu que la double explosion au port de Beyrouth vienne remuer le couteau dans la plaie des Libanais en détresse. Avec même pas l’espoir d’une reconstruction rapide des zones dévastées, tant le démon des divisions politiques a gangrené leur pays.
Il faut savoir qu’au Liban, tout ou presque est à refaire. Avant même le lancement des chantiers, la restructuration de l’économie et les plans de réforme structurelle… c’est toute une éducation, tout un système de pensée qui sont à revoir.
La catastrophe du port a dévoilé de la façon la plus criante la négligence, l’incompétence, jusqu’à l’inexistence d’un service public à même d’assister la population en temps de crise. Pour s’en rendre compte, il n’y à voir l’admirable solidarité des riverains et des associations de la société civile dans les premiers secours portés aux habitants des quartiers détruits, puis dans le déblayage des gravats et des bris de verre.
Déjà bien avant cette succession des malheurs qui aujourd’hui frappent le Liban, les différents gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais été capables de mettre en place des solutions crédibles pour des besoins de base, tels que l’électricité, l’eau et le téléphone, la gestion des déchets ménagers, sans oublier la sécurité. Autant de questions qui constituent la définition même de l’État.
La priorité a toujours été donnée aux palabres politiques. Certes, la liberté de débat est un signe de bonne santé démocratique. Mais le débat ne peut constituer une finalité en soi, et à un moment donné il faudrait bien agir. Or, le Liban, pays fondé sur le consensus perpétuel poussé jusqu’à la caricature, est condamné à l’inaction.
Face à l’État absent dont il ne reste plus que la carcasse constitutionnelle, les Libanais se sont habitués à ne compter que sur eux-mêmes. Si cette réaction à l’incurie publique peut engendrer de belles initiatives axées sur le savoir-faire, l’entraide et la solidarité, elle a aussi son revers très souvent synonyme de légèreté, d’égoïsme, d’incivilité, et pour certains d’un goût immodéré pour la filouterie et l’arnaque. Comment s’en étonner, puisque l’exemple vient d’en haut ? Comment peut-on espérer autre chose, lorsque l’État est quasiment démissionnaire depuis plus de 50 ans et que la population est lâchée dans la nature ?
Certes, plus rien n’est pareil depuis le 4 août. Ne reste plus qu’à souhaiter que ce qui suivra puisse susciter un frémissement d’espoir…