Le Liban vit depuis l’Indépendance dans un état d’instabilité oscillant entre violence latente, conflit ouvert et guerre déclarée. De ce fait, il souffre des conséquences de l’exode, des déplacements de population et de la menace constante d’un effondrement imminent.
La réalité de ces pressions et de cette course vers l'inconnu nous conduisent naturellement à réfléchir à la promotion de la paix par l'éducation, en particulier l'éducation établie dans les programmes actuels (1997), et plus généralement dans les programmes développés par le Centre de Recherche et de Développement Pédagogiques (CRDP).
Mais d’abord, il nous faut clarifier certaines problématiques : l’éducation à la paix signifie-t-elle non-engagement dans des conflits? Est-ce donc une éducation à la soumission et à la capitulation ? Ou bien signifie-t-elle éduquer des générations à une paix hypothétique, et donc à se heurter à la réalité des conflits du monde? L'éducation à la paix est-elle suffisante pour construire la paix?
Construire la paix au Liban
La paix peut être entendue comme absence de guerre et de conflit, bien-être humain et social, réconciliation avec soi-même et le respect des droits de l’homme et le droit de se défendre et de défendre sa terre contre les spoliateurs et les envahisseurs.
Une telle conception de la paix inclut la reconnaissance des valeurs de liberté, d'égalité, de justice, de solidarité et de coopération, dans une société fondée sur l'égalité, et dont les conflits sont résolus par le dialogue, dans le respect de la dignité humaine et la consolidation de la compréhension mutuelle, loin de toute violence, loin des conflits et de toutes les formes de discrimination, d'exploitation, de harcèlement et d'exclusion. C’est un concept de paix passive.
En revanche, une paix active se traduirait par une série d’actions constructives qui rendraient le monde meilleur. Cela signifie qu'il est nécessaire de former des personnes à la tolérance, à la coopération, à la réflexion critique, des personnes réceptives qui savent écouter et communiquer ; des personnes ouvertes à la pluralité des points de vues, socialement responsables et sachant gérer les différences en tous genres.
Le concept d'éducation pour la paix est donc une initiative pédagogique visant à atténuer les impacts de la guerre sur la société et les hommes. L’UNESCO en a fait l’un des objectifs de l’éducation au développement durable. La question qui donc se pose est la suivante : les programmes de l’enseignement public au Liban forment-ils des hommes et des femmes capables d’édifier la paix ?
Les programmes actuels et les programmes en développement
L’éducation à la paix est l’objectif le plus important du Plan de redressement pédagogique : elle s’accomplit « par la promotion de l’appartenance nationale et l’intégration sociale, et par l’ouverture spirituelle et culturelle ». Elle promeut « les valeurs libanaises telles que la liberté, la démocratie, la tolérance et la non-violence ». Elle repose sur le socle du rôle joué par le Liban dans l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme et sur son système démocratique fondé sur « le respect des libertés publiques », « la liberté d'opinion et de croyance », « la justice sociale et l'égalité entre tous les citoyens sans discrimination ni préférence ». Il s’agit d’une éducation qui favorise l’esprit de paix avec soi-même, comme dans les relations entre les individus et dans les rapports sociaux et nationaux. « Le redressement recherché est un parcours allant de la division à l’unité, en vue de l’édification d’une paix civile durable. Une paix civile dont les fondements sont la justice, l’égalité, le règne de la loi et du droit, la liberté de conscience et d’opinion, le dialogue, etc.
Le CRDP a établi les documents préparatoires des programmes avancés dans ce domaine, et a défini les caractéristiques spécifiques de l'apprenant / citoyen : tolérance, esprit critique, esprit de coopération, capacité d’interaction, capacité de recherche et créativité, adaptation aux compétences du XXIe siècle, ouverture aux approches de compétence et aux stratégies d'intégration des personnes à besoins spéciaux, volonté de tirer avantage des évolutions technologiques et informatiques.
Le programme d'éducation civique, modèle d'éducation nationale
Les valeurs d’une éducation à la paix apparaissent clairement dans les objectifs généraux du programme de l’éducation nationale au civisme : esprit pacifique, ouverture culturelle et humaine, rejet de toute violence, souci de l’égalité et de la justice sociale, liberté, acceptation de l'autre en dépit de la différence raciale, religieuse, linguistique, ou culturelle….Acquisition de capacités critiques, de débat et de règlement des problèmes par le dialogue (l’une des compétences essentielles pour vivre ensemble en paix ).
D’autres objectifs spécifiques du programme d’études ont été ajoutés aux compétences requises dans une éducation à la paix. Ainsi, les capacités d’écoute et de dialogue, la capacité à s’exprimer, l’assistance aux plus faibles, la mise en place d’une culture de respect de la loi et du recours à cette loi au cas où l’on ne parvient pas à régler un différend par le dialogue : tous ces objectifs et la matière de l’éducation civique ont été définis dans le manuel, ainsi que les méthodes d’enseignement / apprentissage stimulant la pensée critique, le travail d’équipe, la solidarité et la participation...
Finalement, l’éducation à la paix et à ses valeurs exige la présence d’un enseignant qui s’approprie les valeurs qu’il enseigne, et les reflète dans sa conduite quotidienne, ses prises de positions, et sa façon d’enseigner. Il se doit d’être un enseignant modèle, de sorte que son enseignement ne soit pas pur acquisition de connaissances, mais devienne éducation par identification, à une philosophie de vie équilibrée, loin de toute incohérence entre ce qu’il enseigne et ce qu’il vit.