Oweiss Moukhallalati
Effectivement, Oweiss Moukhallalati n’est devenu « acteur de télévision » que quelques mois à peine après son départ de Damas et son installation à Beyrouth, où son expérience dans « al-Haybé » lui avait rapidement valu d'être l'un des noms les plus en vue dans les feuilletons télévisés. Mais Oweiss est un brillant acteur de théâtre, même si la télévision lui prend tout son temps aujourd'hui. Au cours de ses études (à l’Institut supérieur des arts dramatiques de Damas), il avait présenté un large éventail d'œuvres sur la scène nationale avec des artistes tels que Fayez Kozk, Ayman Zeidane et d’autres encore. Il avait également participé à deux pièces à Beyrouth (« Fawk al-Siffr » de Oussama Halal, ainsi que « Tachycardia » de Jamil Arachid).
Beyrouth n'était pas une ville étrangère pour Oweiss. Dans le passé, il s'y était rendu des dizaines de fois avant la guerre, dans le but de faire du tourisme ou d'assister à des festivals culturels et théâtraux, et aujourd’hui il connaît son âge d’or dans cette ville.
Il confie au supplément « La consolidation de la paix » : « L'amour que je reçois du public libanais me donne l'énergie et la force nécessaires pour continuer, et c'est une grande responsabilité que je me dois d’assumer ». Je comprends parfaitement les difficultés que connaît actuellement le Liban, et dont pâtit le comédien syrien : le pays est toujours plongé dans les crises et la page de la guerre civile n’a été tournée que depuis peu et elle peut resurgir à tout moment.
Oweiss a participé à plusieurs séries télévisées, telles que al-Arrab, Khamassiyate al-Gharam (Hatem Ali), Halawat Rouh (Chawki al-Majri), ainsi qu’à deux œuvres cinématographiques, « Maureen » (Tony Farjallah) et « Le jour où j’ai perdu mon ombre » (Soudade Kaadan).
Sally Charaf
Sally a dû quitter son université à Damas alors qu’elle était en quatrième année d’architecture, pour se réfugier au Liban, fuyant ainsi les hostilités auxquelles sa famille a été confrontée vers la fin de 2011. Elle a vécu à Zahlé, non loin de camps de réfugiés syriens où elle a été témoin de la mort de certains d’entre eux à cause du froid et des conditions de vie difficiles, ce qui l’a poussée à mettre en place un certain nombre d’initiatives individuelles d’assistance. Celles-ci ont fini par s’organiser dans le cadre d’une structure d’équipes de volontaires, active dans les pays d’accueil, laquelle est devenue par la suite une organisation reconnue internationalement, dotée d’un centre en France et d’un autre en Turquie.
Au cours des dernières année, le travail de Sally s’est diversifié : assurer des cautions médicales à des familles de réfugiés, organiser des sessions de formation aux femmes et aux veuves pour développer leurs aptitudes professionnelles, s’occuper de l’enseignement des réfugiés, gérer et développer les orphelinats, aider les enfants à besoins spéciaux à surmonter les traumatismes et les crises psychologiques.
Pour le moment, Sally Charaf est coordinatrice des projets dans l’organisation « La Maison de la paix », dont l’objectif est de créer des initiatives à l’adresse des Libanais et des Syriens et de changer les stéréotypes et les préjugés des uns à l’égard des autres. Elle vient de terminer des études en architecture d’intérieur à l’AUL (Arts, Sciences and Technology University in Lebanon).
« Avant de venir au Liban, j’avais tout, raconte Sally. Je me souciais peu des problèmes des autres ou de ce qui se déroulait en dehors de la petite bulle dans laquelle je vivais à Damas. Lorsque j’ai tout perdu, j’ai appris à apprécier différemment les choses. J’ai compris que beaucoup n’ont pas les nombreuses opportunités qui m’étaient disponibles, ni même la chance d’avoir une vie digne ». Et d’ajouter : « Je ne pouvais plus supporter de voir mes compatriotes mourir devant mes yeux, au quotidien, dans les camps de la Békaa et de Beyrouth. J’ai compris que chaque personne parmi nous est capable, à travers un acte simple, de changer la vie de plusieurs personnes et qu’un grand nombre d’individus attendent la moindre petite occasion pour sauver leur peau ».
Soudade Kaadan
Soudade Kaadan entretient avec le Liban une relation étroite, antérieure à la guerre en Syrie. Elle a suivi des études de cinéma à l’Université Saint-Joseph (2004-2007) et a travaillé longtemps sur des projets artistiques avec des Syriens et des Libanais. Son dernier film, « Le jour où j’ai perdu mon ombre », a remporté plusieurs prix internationaux. Les années précédentes, elle avait réalisé deux films documentaires.
Après s’être installée définitivement à Beyrouth en 2012, Soudade Kaadan a décidé d’ouvrir sa propre boîte de production, « K Production ». Elle a réalisé de nombreux projets cinématographiques au Liban, tous axés sur la Syrie, et grâce auxquels elle a découvert un grand nombre de régions libanaises ayant des points communs avec son pays, comme le Akkar, la Békaa, le Hermel et Tripoli, ainsi qu’un certain nombre de quartiers de Beyrouth.
« Lorsque mes amis libanais ont visionné certains de mes films, raconte Soudade, j’ai été surprise de constater qu’il ne connaissaient pas trop les régions où les scènes avaient été filmées. J’ai compris qu’ils avaient tout simplement peur de s’y rendre ! ».
En dépit des problèmes sur lesquels un artiste syrien pourrait buter au cas où il déciderait de réaliser son film au Liban avec un budget modeste, et malgré la discrimination dont il pourrait être victime de manière générale au niveau du marché, Soudade Kaadan a réussi à se lancer depuis le Liban et à réaliser plusieurs projets cinématographiques créatifs qui ont pavé la voie à sa renommée internationale. « Les capacités culturelles et la marge de liberté disponible au Liban et qu’il est impossible de trouver dans d’autres pays arabes, m’ont permis, ajoute-t-elle, d’enrichir mon expérience et de connaître un grand nombre de personnes influentes dans les deux domaines culturel et artistique, qui m’ont aidé à développer et à mûrir mon travail ».
Chadi Mokrech
Depuis 1996, il œuvre dans le domaine du théâtre. Son diplôme en poche après avoir terminé ses études en 2004 à l’Institut supérieur des arts dramatiques, il a contribué à de nombreuses séries télévisées et films cinématographiques avant de revenir au théâtre, une fois réfugié à Beyrouth en 2014.
Il a à son actif plus de 35 spectacles. Chadi Mokrech a mis sa longue expérience dans le théâtre au service d’un projet dramatique interactif intitulé : « Mon imagination est toujours plus grande » (2018). Son but est de développer les capacités de formateurs et d’acteurs de théâtre afin d’aider des enfants libanais et syriens à surmonter les obstacles qui se dressent devant eux, à travers des jeux traditionnels simples et des contes populaires.
Le projet a été clôturé par des spectacles dramatiques interactifs présentés par plus de 150 enfants dans des écoles de Beyrouth et de la Békaa. Chadi aspire aujourd’hui à étendre son projet aux familles pour inclure tous leurs membres et pas seulement les enfants.
Dans une interview au supplément « La consolidation de la paix au Liban », Chadi Mokrech affirme : « Je connais très bien les résidus des souvenirs gardés par les Libanais au sujet des Syriens, ainsi que les stéréotypes et les préjugés négatifs hérités de la période passée et que les deux peuples ont en commun. Mais j’essaie de porter autant que possible un regard objectif sur la crise que nous traversons, dans l’espoir de percer les ténèbres ne serait-ce que par une petite lumière, même si c’est en faisant participer des enfants libanais et syriens au sauvetage d’une princesse de la gueule d’un dragon ».