Repenser l’utilisation des médias après la pandémie

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Posté sur déc. 09 2020 par Claudia Kozman, Professeur adjoint de journalisme multimédia et directeur de recherche à l'Institut de recherche et de formation aux médias (IMRT) de l'Université libanaise américaine 6 minutes de lecture
Repenser l’utilisation des médias après la pandémie
©Toni Maalouf
Pendant la période de confinement due au Covid-19, la plupart des gens ont eu recours à l’Internet dans tous les domaines. Ce phénomène a pu surprendre certains, mais en réalité, plusieurs innovations dans ce domaine avaient préparé le terrain à un tel changement.

Pendant la période de confinement due au Covid-19, la plupart des gens ont eu recours à l’Internet dans tous les domaines. Ce phénomène a pu surprendre certains, mais en réalité, plusieurs innovations dans ce domaine avaient préparé le terrain à un tel changement.

Après les recherches sur le web, les réseaux sociaux et même les réunions virtuelles, beaucoup d’autres éléments de nos vies devraient suivre le même mouvement. Avec ces innovations, de nouveaux développements technologiques pourraient avoir lieu et devenir indispensables.

Indépendamment du domaine dans lequel on travaille, il faudra probablement passer au travail à distance sur Internet au cours des prochains mois.

La nécessité de poursuivre notre routine de travail quotidien pendant la période de confinement a invité dans nos maisons les géants de la technologie, qui n’attendaient que cette occasion pour nous envahir. Ainsi, ce n’est plus qu’une question de temps pour que les instruments numériques prennent le pas sur les outils traditionnels et deviennent une banalité.

Dans ce cas, quel a été le rôle du Covid-19 et de la pandémie qu’il a provoquée dans l’amplification du rôle des compagnies technologiques dans nos vies ? Il a simplement accéléré le processus d’automatisation. Pour certains, l’idée de l’intelligence artificielle peut pousser vers une robotisation généralisée du monde, mais pour les experts en technologie, le futur est dans le numérique.

Tout en étant utiles, ces innovations ne peuvent pas toutefois être appliquées dans tous les cas et tous les domaines. Au Liban par exemple, le numérique se heurte à des problèmes primaires liés à l’infrastructure et à l’Internet. Plus encore, les coupures de connexion dues à une faillite généralisée de l’économie accentuent encore les difficultés de développer ce secteur. Pendant la période de confinement due à la pandémie, cela a été surtout perceptible dans l’enseignement à distance. La lenteur du débit, les quantités réduites de bande passante et les forfaits limités ont sérieusement ralenti le niveau de l’enseignement à distance, aussi bien pour les élèves que pour les enseignants.

De même, il y a eu aussi un impact négatif sur plusieurs autres domaines. L’effondrement de l‘économie a imposé des limites sur les paiements via Internet ainsi que sur les achats en ligne, rendant pratiquement impossible, ou en tout cas très difficile, le commerce électronique. Face à tous les problèmes qu’affrontent actuellement le Liban, la technologie peut paraître secondaire. Quand l’objectif est de survivre, elle peut même être considérée comme un luxe.

D’un point de vue médiatique, la présence de plus en plus importante de la technologie pousse vers l’adoption d’un nouvel agenda d’information et porte l’attention sur de nouvelles approches. Les technologies qui offrent le luxe de conclure des affaires et de nouer de nouvelles amitiés ne sont pas seulement produites par des machines. Elles sont produites par des êtres humains, qui ont établi des codes précis pour y avoir accès. C’est ainsi que des informations qui paraissent innocentes peuvent en fait influer sur la façon de penser de ceux qui les reçoivent en leur imposant une sorte de filtre. Le danger qui se cache derrière ces informations rapides dépasse celui de la sélection que nous faisons nous-mêmes, car dans ce cas les nouvelles sont subtilement filtrées, en se basant sur nos habitudes de sélection. Les nouvelles méthodes d’information rapide limitent la liberté de choix, sans en avoir l’air et sans que le destinataire s’en rende compte. Comme Sustein l’avait écrit en 2001, « les échos de chambres » augmentent la polarisation qui rend les sociétés moins perspicaces, notamment sur le plan civique.

Mais l’utilisation de codes pour produire des informations n’est pas limitée aux compagnies technologiques et à la toile. Plusieurs organisations ont déjà adopté ce système pour produire des articles d’informations. Les recherches révèlent déjà quelques éléments sur la réponse du public aux informations automatisées. Une récente expérience réalisée par Tandoc Jr et ses collègues qui a été publiée dans le « Digital Journalism » montre que le public ne fait pas la différence sur le plan de la crédibilité entre les informations automatiques et les articles écrits par des journalistes. Parfois même, l’article automatisé semble plus objectif au lecteur que celui écrit par le journaliste. Il faudra en tout cas surveiller la suite et voir comment ces informations seront perçues dans le futur.

Avec le petit contrôle qui nous reste, comment devons-nous faire face à l’inévitable et construire malgré tout une vie meilleure ? Préserver avec ces sociétés d’information notre esprit critique aura forcément un impact sur la qualité de nos vies et celle de ceux qui nous entourent. C’est là que l’expérience et le savoir-faire médiatique jouent un rôle important. Utiliser des filtres de base et vérifier les informations que nous recevons sont des démarches cruciales pour survivre dans un monde numérique appelé à devenir de plus en plus persuasif et dominant. Il faut donc conserver un sens des responsabilités et un esprit critique en recevant et en répandant les informations que nous recevons et nous serons ainsi en train de contribuer à consolider la paix dans nos sociétés.

Ces pratiques ne sont certes pas innées. La psychologie nous apprend depuis toujours que les humains sont des créatures qui cherchent les solutions de facilité et préfèrent conserver leurs ressources mentales, au lieu de faire des efforts pour résoudre leurs problèmes d’une façon plus sophistiquée et recherchée, comme le suggère l’ELM (Elaboration Likelihood Model). Alors que cette fonction est nécessaire dans certaines circonstances, l’appliquer à nos habitudes de sélection médiatique peut nous pousser à éviter de faire l’effort d’authentifier les informations. Prendre des raccourcis peut donc être destructeur dans le milieu numérique où la vérification des informations devient de plus en plus difficile. La prudence à l’égard de la source d’une information et la conscience de l’agenda qui est derrière, ainsi que l’identification de celui qui l’envoie sont indispensables pour nous aider à renforcer notre perspicacité et protéger notre santé mentale.

En ces temps difficiles, le public libanais fait face à de nombreux défis. En l’absence de solutions venues d’en haut, la seule façon de répondre au flux de la digitalisation est de lancer des initiatives individuelles, basées sur la conscience des dangers venus « des échos de chambres », qui peuvent se placer entre nous et l’information que nous recherchons. Pour les optimistes, ces difficultés peuvent constituer une opportunité pour les innovateurs locaux afin de trouver des solutions à des problèmes locaux. Atteindre des objectifs visant à renforcer les communautés qui s’appuient sur le développement technologique et le numérique peut pousser certaines personnes à regarder au-delà du présent pour commencer à préparer un futur qui nous attend tous.

La pandémie prendra fin, mais les entreprises de technologie continueront à marquer nos vies. La façon avec laquelle nous traiterons avec elles permettra de savoir si nous saurons gérer ces nouveaux instruments ou si nous contribuerons à répandre un flot d’informations non-vérifiées. Dans les petits secteurs que nous pourrons encore contrôler, garder l’esprit critique pourrait être notre seule voie de salut.

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