Traiter les conditions sous-jacentes d’un secteur de santé en difficulté

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Posté sur déc. 09 2020 par Sara Chang, spécialiste en santé publique 5 minutes de lecture
Traiter les conditions sous-jacentes  d’un secteur de santé en difficulté
©Tiffany Mojaes
​Les blessures résultant de la répression des manifestations historiques qui ont commencé en octobre 2019 au Liban ; le traumatisme et les dégâts qui ont suivi l’énorme explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020 ; les soins médicaux administrés à un nombre croissant de cas de Covid-19…

 Les blessures résultant de la répression des manifestations historiques qui ont commencé en octobre 2019 au Liban ; le traumatisme et les dégâts qui ont suivi l’énorme explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020 ; les soins médicaux administrés à un nombre croissant de cas de Covid-19… Le secteur de la santé au Liban est en première ligne depuis des mois, traitant des patients sur tout le territoire, ce qui a épuisé des institutions et un personnel déjà débordés. L’instabilité politique et l’effondrement économique ont également engendré des crises complexes et cumulatives, affectant les individus comme les institutions. Dans le cas du secteur de la santé, ces crises se sont traduites par des pénuries croissantes de personnel, de matériel, d’équipements et de médicaments, qui entravent la capacité des établissements hospitaliers à fournir les soins médicaux adéquats. De plus, les factures impayées aux hôpitaux publics et privés continuent de s’accumuler, à un moment où le gouvernement a des difficultés à rembourser ces services.

Le secteur de la santé n’est pas immunisé contre ces crises multiples. Pour cette raison, les efforts en vue de l’amélioration de ses capacités doivent être accompagnés d’une action proactive et globale aux niveaux sociétal et communautaire. Je décrirais trois recommandations-clés visant à réduire la pression sur le système de santé et améliorer sa capacité à réagir au Covid-19 : 1) exploiter les ressources existantes en appliquant une stratégie nationale coordonnée pour faire face au coronavirus, 2) réduire la propagation de la maladie en investissant dans la santé publique, 3) remédier aux défaillances politiques et économiques du système en appliquant des réformes globales.

1) Exploiter les ressources existantes en appliquant une stratégie nationale coordonnée pour faire face au Covid-19. Les défis opérationnels et relatifs à la coordination entre les entités responsables de l’intervention face au Covid-19 reflètent la fragmentation plus vaste des acteurs publics, privés et non-gouvernementaux, ainsi que des priorités au Liban. Un plan détaillé et global de préparation et d’intervention est par-conséquent indispensable pour optimiser les ressources disponibles en vue de faire face au coronavirus, et d’harmoniser ces efforts avec la reconstruction post-explosion. Les partenariats doivent être fondés sur une responsabilité et une action communes. Le plan détaillé et global de préparation et d’intervention devrait également comprendre un processus de prise de décision basé sur des données précises, une communication et un engagement fondés sur le respect, des rôles et des responsabilités clairement définis, et des mécanismes résilients qui régissent une collaboration entre les parties prenantes et à travers elles. Les populations les plus vulnérables au virus, à ses conséquences sanitaires et à ses impacts secondaires, tels le chômage et la faim, doivent être prises en considération dans le plan de développement. Ces populations incluent, dans une liste non-exhaustive, les personnes handicapées, les personnes du troisième âge, et les ménages dirigés par des femmes.

 

2) Réduire la propagation du Covid-19 en investissant dans la santé publique. Le système de santé libanais souffre depuis des décennies de sous-investissement. Cela signifie que des fonctions essentielles, comme le contrôle ou le traçage de la propagation du virus, ainsi que l’identification ou l’investigation de cas étaient insuffisamment développés pour répondre à la demande. Ces fonctions, ajoutées aux tests à grande échelle, aux soins préventifs accessibles et abordables, et à la collecte et l’analyse des données de santé publique, sont cruciaux pour maîtriser le Covid-19. On peut comprendre que les décideurs soient concentrés sur l’augmentation du nombre de lits d’hôpitaux consacrés aux patients atteints. Mais la lutte contre le virus ne commence pas quand les gens sont testés positifs, qu’ils tombent malades et nécessitent une intervention médicale, c’en est au contraire la dernière phase. Voilà pourquoi la santé publique ne doit pas être négligée, puisque la prévention est centrale en vue de réduire la pression sur le système de santé.

3) Remédier aux défaillances politiques et économiques du système en appliquant des réformes globales. Le système de santé opère dans des conditions sociales, politiques et économiques plus vastes, dont il est affecté. Pour cela, jusqu’à ce que ces conditions s’améliorent, le secteur restera vulnérable aux salaires impayés ou en baisse, aux difficultés d’importer les équipements indispensables, aux lacunes dans les services de base tels l’eau et l’électricité, sans compter les défis qui rendent les soins médicaux et les traitements moins disponibles. Les politiques qui abordent les conditions sociales, politiques et économiques ne bénéficieront pas seulement au secteur de santé, mais à tous les Libanais. Les réformes économiques globales, la disponibilité des services de base et la bonne gouvernance par le biais de la transparence et de la reddition de comptes sont nécessaires pour répondre à l’augmentation des taux de chômage, la pauvreté et la faim. De telles mesures pourraient également restaurer la confiance dans le gouvernement et ses partenaires, un processus qui s’est avéré essentiel pour juguler la propagation du Covid-19 dans d’autres pays.

En tant que professionnelle de la santé, il m’est naturel d’examiner le contexte dans lequel vit un individu pour comprendre son état de santé et son bien-être. Et c’est à travers ce prisme que mes recommandations ci-haut visent à faire progresser ce secteur et les impacts résultant des crises complexes et multiples qui secouent le pays. Mettre en application une stratégie nationale coordonnée, investir dans la santé publique, et adopter des réformes globales qui soutiendront le secteur de santé durant et après cette pandémie, auront en fin de compte une incidence positive sur les résultats médicaux, au bénéfice de toute la population du Liban.

 

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