Quand la culture assure la cohésion d’un peuple

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Posté sur déc. 09 2020 par Colette Khalaf, Journaliste à L'Orient-Le Jour 5 minutes de lecture
Quand la culture assure la cohésion d’un peuple
©Sasha Haddad
L’élément humain, physique et moral des milieux artistiques gravement touchés pourra- il rebondir après une année 2019-2020 faite de tragédies successives : révolution, Covid-19, et enfin une explosion qui a détruit une grande partie de la ville de Beyrouth ?

L’élément humain, physique et moral des milieux artistiques gravement touchés pourra- il rebondir après une année 2019-2020 faite de tragédies successives : révolution, Covid-19, et enfin une explosion qui a détruit une grande partie de la ville de Beyrouth ?

Élément vital d'une société dynamique, la culture soude un peuple. Outre sa valeur intrinsèque, elle apporte de précieux avantages sur le plan social et économique et elle est le moteur qui fait avancer une société. L’explosion du 4 août au port de Beyrouth a détruit une grande partie de la capitale, ainsi que ses lieux artistiques et culturels. Une capitale déjà exsangue après une révolution et un virus qui s’étaient abattus sur elle.

Détruite et détruite encore…

Le Liban a subi de multiples invasions à travers l’histoire, et en dépit de cela il est resté debout. Qui plus est, il a profité de ce brassage des cultures pour en faire la sienne. Avant 1975, date charnière dans l’histoire du pays, le pays connaissait un essor culturel et artistique à tous les niveaux. La guerre de 1975 survint et ce fut le quasi-arrêt, voire l’arrêt total, de ces activités-là.

Dès les années 1990 et dans les décades qui suivirent, la culture reprenait ses droits. Quoique la stabilité était encore précaire, Beyrouth rentrait dans le 21ème siècle par la grande porte redevenant ainsi une plateforme culturelle internationale. Vers l’an 2000 donc, des galeries (Art Lab, Sfeir-Semler, Tanit, Art on 56th et Marfa’ en 2015, ou encore Aïda Cherfan) ainsi que des lieux artistiques contemporains devenaient le point de rencontre d’une jeunesse débarrassée des tabous de leurs aînés. Designers et grands couturiers suivirent, ainsi que les salles de théâtre comme le théâtre de Gemmayzé, le Black Box de Jacques Maroun assurant une continuité avec le théâtre Monnot ou Madina à Hamra. Le port et son voisinage devinrent le Hamra des années 70. Le hub.

Dès le 17 octobre 2019, la galerie Aïda Cherfan ferma ses portes se contentant de l’espace installé depuis longtemps à Antélias. Les autres se plaignaient de la crise économique, mais n’étaient pas prêtes à baisser les bras. D’autre part du côté du 7ème art, l’association Metropolis qui accueillait le cinéma d’auteur avec ses festivals internationaux, dut également arrêter ses activités à Sofil et mettre la clef sous la porte. Le duo Mia Habis/Omar Rajeh, qui avaient créé Bipod, une plateforme internationale de danse, et construit en 2019 Citerne Beirut à Mar Mikhaël, composée de différentes salles polyvalentes, ont dû quitter le pays désenchantés.

Le 4 août 2020, l’explosion fit en quelques instants ce que la guerre civile a fait en 20 ans : détruire toute la scène culturelle, physiquement et moralement ou la morceler. Outres les pertes humaines (architectes, galeristes et autres), les espaces d’exposition ont subi de graves pertes (lieux et toiles). Noha Moharrem, Joumana Asseily, Nayla Kettaneh Künig, Andrée Sfeir-Semler ou Antoine Haddad ont accusé le coup (comme d’ailleurs toute la population meurtrie) puis se remirent à la reconstruction ou à l’élaboration de projets différents (expositions à l’extérieur ou on-line, refusant d’abandonner leurs artistes et leur pays).

 

…mais toujours debout

Les initiatives collectives se sont multipliées, à ne citer que celles-ci : #LiBeirut a organisé en collaboration avec la délégation permanente du Liban à l’Unesco, le 17 septembre, un débat en ligne, ResiliArt Liban, placé sous le thème « Les musées et galeries d’art pour le retour à la vie culturelle à Beyrouth ». Selon le quotidien L’Orient-le-Jour, « les intervenants ont souligné le rôle central qu’occupent les musées et galeries d’art beyrouthins en tant que pont culturel au service de la société libanaise, de sa diaspora, ainsi que leur rôle dans la cohésion sociale, l’éducation et le développement. Ils ont mis en lumière l’impact et les défis de cette catastrophe sur le secteur culturel libanais déjà lourdement affecté par la crise économique et la pandémie de Covid-19 ». Le débat portait aussi sur les musées endommagés : au total six, dont le musée Sursock.

Une autre initiative privée, a été lancée par Art Nub « Beirut Fine Art Heritage Rescue », qui travaille gratuitement à la restauration des œuvres abîmées. Nayla Yared et Gaby Maamary souhaitent par conséquent retrouver un héritage national en perdition. Outre la crise financière et le confinement dû au Covid-19, l’explosion du 4 août a causé aussi des dommages considérables à de nombreuses sociétés du secteur cinématographique et audiovisuel libanais, impactant également les tournages et prestations de post-production. La Commission nationale du Cinéma de France a lancé un fonds d’urgence pour le Liban. Ce dispositif a pour objet d’attribuer des aides exceptionnelles aux films ou projets de films de long-métrage de cinéma, dont l’écriture, le tournage ou la post production ont été retardés ou interrompus depuis le début du mois d’août.

Enfin, le théâtre ne pouvait pas mourir avec une telle énergie issue de son élément humain. Certes les salles ont subi de graves dommages, mais sur le plan mental, la dynamique est toujours là. Si certains ont arrêté leurs activités artistiques préférant se consacrer à la Thaoura, d’autres se sont adaptés à la situation de distanciation et se sont remis à la création. « Hamasat » est un projet scénique mis en ligne qui organise actuellement une levée de fonds pour subvenir aux besoins des salles de théâtre endommagées. Puissent ces initiatives être clonées dans tous les milieux artistiques afin de remettre la culture sur pied.

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