Fadia Loubani, directrice de l’association « La paix pour vous », dans le camp de Bourj Brajneh
Une femme active et rêveuse. C’est ainsi que Fadia se décrit. Ceux qui la connaissent trouvent que cette description lui correspond parfaitement. En 1986, le camp des réfugiés palestiniens de Bourj Brajneh, où elle vit, souffrait des ravages des guerres des camps et du blocus. De ce fait, les enfants étaient dans l’incapacité de se rendre à leurs écoles situées à l’extérieur, dans un quartier voisin. Pour qu’ils ne perdent pas du temps, Fadia a créé avec un groupe de femmes, une école provisoire sur une place déserte. Elle avait alors 17 ans. Avec la fin de la guerre et voulant bénéficier de cette expérience, elle a fondé avec quatre autres femmes une école maternelle. Fadia s’est alors mise à percevoir des cotisations symboliques qui ont servi à bâtir une classe où les cours sont dispensés. Au fil des ans, la jeune femme a reçu des aides d’associations palestiniennes et internationales, qui ont permis de développer le projet. Celui-ci s’est transformé en centre social accueillant des enfants en maternelle et organisant des activités à l’intention des femmes. Il compte aussi une cour et un théâtre qui a accueilli l’année dernière un spectacle auquel a pris part, pour la première fois, une auteure et actrice.
Fadia nourrit aujourd’hui deux rêves. Elle voudrait ouvrir un atelier pour les femmes du camp, toutes nationalités confondues, pour leur assurer une autosuffisance économique. Elle aimerait aussi construire et équiper un théâtre au sein du camp, qui soit un lieu d’expression et d’interaction. Au vu de ce qu’elle a pu accomplir avec ses anciens projets, elle a certainement de fortes chances de réaliser l’un de ses rêves, sinon les deux.
Leila al-Ali, directrice du conseil exécutif de l’association sociale al-Najda
Pour Leila, qui est issue d’une famille de militants palestiniens, l’action sociale et l’activité politique vont de pair. Son militantisme a vu le jour avec la montée de la vague nationaliste arabe au Liban, au début des années soixante-dix, et s’est façonné lors de ses études universitaires qui ont coïncidé avec les restrictions imposées aux Palestiniens à la suite de l’invasion israélienne en juin 1982 et le retrait de l’Organisation pour la libération de la Palestine, dont elle a rejoint les rangs alors qu’elle était encore étudiante. Plus tard, elle est devenue présidente de l’Union des jeunes au sein du Front démocratique pour la libération de la Palestine, avant d’intégrer les rangs de l’association al-Najda qui œuvre à l’intérieur des camps dans les domaines du secours, de la formation professionnelle et de la capacitation des femmes. Leila a passé la plus grande partie de sa vie dans le camp de Chatila qui était, comme elle se le rappelle, ouvert à son environnement libanais et accueillait des militants de différents points du globe. Elle se dit désolée de constater l’état de marginalisation et d’isolement dans lequel il se trouve aujourd’hui. Dans le cadre de son travail à l’association al-Najda, Leila insiste pour que des aides variées soient acheminées aux Palestiniens, Libanais et Syriens, mais aussi à tous ceux qui en ont besoin, puisqu’elle est convaincue que la distinction entre les personnes qui sont dans le besoin n’est pas éthique. Leila est également l’une des fondatrices de la campagne « le droit des travailleurs » qui œuvre pour que ce droit soit entièrement accordé aux Palestiniens au Liban.
En 1982, quelques heures avant le massacre perpétré dans les camps de Sabra et Chatila, Leila et sa famille avaient réussi par miracle à quitter les lieux. Après le massacre, elle y est retournée pour trouver des corps étendus par terre, au nombre desquels des voisins libanais. Mais malgré cette expérience traumatisante et de nombreuses autres qu’elle a vécues au fil des ans, Leila a décidé de rester active et optimiste quant à la possibilité de réaliser un peu de justice en ce monde.
Mira Sidaoui, actrice, cinéaste et écrivaine
Mira est constamment à la recherche de moyens de libre expression. Elle en a trouvé un lorsqu’elle s’est inscrite à l’Université libanaise pour étudier le théâtre. La réalisation cinématographique a été un moyen supplémentaire. Entre le théâtre et le cinéma, l’écrivaine est née. Elle a commencé par écrire des histoires courtes et a fini par rédiger son premier roman, malgré ses nombreux et complexes projets. Après avoir décroché son diplôme universitaire, Mira a fondé, avec un groupe de comédiens à majorité palestinienne, aux côtés de quelques libanais, la troupe de théâtre du camp qui a pris pour siège le camp de Bourj Brajneh. Par la suite, elle a donné des cours de théâtre à des enfants de l’association Kanafani, qui ont été clôturés par la présentation d’un spectacle. Au nombre des principales pièces de théâtre sur lesquelles elle a travaillé, « Ayouba », qui retrace la vie de femmes palestiniennes du camp et « Tout est de ma faute », présentée récemment, qui se penche sur l’accouchement dans le camp et les difficultés et anecdotes qui s’ensuivent. Côté cinéma, elle a réalisé le film « Camp sur quatre roues » qui s’interroge de manière ironique sur la mort palestinienne. Actuellement, Mira est est sur le point d’achever son deuxième film intitulé « Le mur », dont l’histoire suit des jeunes de Chatila qui ont tenté d’organiser un concert de Pink Floyd dans le camp. Mira fait connaissance avec sa patrie disparue. Elle la crée par le biais d’enquêtes individuelles et de sa rébellion loin des slogans et de l’immersion dans le rôle de la victime. Elle le fait plutôt dans le cadre d’une lutte menée au quotidien. C’est ce qui probablement distingue son expérience.
Ghada Kassem, formatrice dans l’éducation populaire et l’enseignement pour adultes
Ghada est dans l’action sociale depuis trente-trois ans. Ses débuts ont été avec le Conseil des églises du Moyen-Orient, à Saïda, alors qu’elle vivait dans le camp de Aïn el-Héloué, situé près la ville. Par la suite, elle a travaillé, pendant treize années dans le domaine de la santé publique, avant de rejoindre en 1999 le projet œcuménique pour l’éducation populaire en tant qu’éducatrice et conceptrice de programmes pédagogiques destinés aux adultes. Ceux-ci ont pour objectif d’apprendre la lecture et l’écriture aux adultes, mais aussi de développer leurs connaissances dans des domaines divers. Ils visent aussi à développer les compétences pratiques des personnes, ce qui leur donne de meilleures chances de trouver un travail. De plus, le programme œcuménique assure aux cadres des institutions palestiniennes et libanaises des formations dans l’éducation populaire. Ghada est également une militante des droits de l’homme et lutte en faveur des droits civils des Palestiniens du Liban. Elle est aussi militante féministe et aspire à ce que les Palestiniennes aient un regroupement non partisan qui accueillera les femmes au chômage. Elle est mère de trois filles qui ont poursuivi des études universitaires. Aussi, il est possible d’ajouter à ses réalisations le fait d’avoir donné naissance à trois nouvelles Palestiniennes actives.