Les mères libériennes étaient braves, unies et solidaires. La guerre s’est aussitôt arrêtée.
Je suis la mère, je suis la terre, colporteuse de vie. Je suis toutes les mères debout là-bas, les bras levés vers le ciel, avec pour seules armes l’espoir et la foi. Leurs corps sont le bouclier qui fait face à l'injustice et au meurtre, pour les éloigner de leurs enfants ; leurs enfants qui sont comme des pièces du coeur des mères qu’elles cachent entre leurs côtes.
Je vous écris, a vous, ainsi qu'aux camarades de votre génération, une lettre d'amour, de vie et de paix. Je voudrais vous serrer contre moi. Vous cacher profondément dans ma peau, vous entourer d’une ceinture qui vous couvrira d'amour, de paix et de vie ; plutôt que de mort et fausse gloire.
Je viens d'une génération qui n'a jamais connu la paix. J’ai connu toutes les formes de guerre qui ont déchiré toutes mes affiliations et amputé mon humanité. J'ai grandi dans l'ombre d’une peur trop puissante, qui m'a kidnappé de la vie et m'a privé de la joie et des couleurs du ciel. Une peur qui m’a arrachée de mon milieu, fuyant tous les slogans qui se trouvent à la base de ma communauté, de ma région, de ma culture, et de ma famille. Une défaite qui m'a poussée à présenter des excuses à chaque enfant à qui j'ai donné naissance et a qui j’ai enseigner ma langue et l'histoire de mes aïeux et leurs convictions.
Celui qui est né dans les villes incendiées vit la douleur de la mémoire volée et cherche tout au long de sa vie les sources de l'amour, afin d’éteindre le feu de son cœur brûlant de terreur et de nostalgie.
En tant que mère et être humain, j’invoque mes droits d’insister qu’on mette un point final à la guerre.
De plus, je vous demande de compatir pour toutes les années qu’on m’a volées.
Cette dernière serai-t-elle une requête compliquée ?
Je ne permettrai pas que vous dilapidiez vos années. Je ne permettrai pas que vous enfermiez votre ambition et votre avenir derrière les barreaux de la haine et les slogans de la mort. Je ne vous permettrai pas de connaître cette tragédie. Je ne le permettrai jamais.
Vous entendez ?
Vous, les descendants des marins et de scribes. Soyez toujours vainqueurs pour la défense de votre patrimoine, pour la science, la culture, la musique, pour la pourpre, les mouchoirs en soie, pour les ports et les rivages ; faites-en sorte que tout cela, au lieu de la violence, soit parti de vos vies.
Ne grandissez pas pour devenir des combattants, mais plutôt des poètes, des bâtisseurs et des artistes. Cultivez la nature, construisez l’humain et dessinez des tableaux pour remplir vos demeures de livres et de tendresse.
Laissez les slogans des guerres et la mort aux défunts du cœur et de l'âme. Retenez les chansons au lieu des slogans politiques qui ne ressemblent que des titres d’histoires d’horreur. Travaillez dur et en toute confiance. Dansez librement comme les papillons. Grandissez comme un cyprès, comme une forte branche de chêne, et soyez fiers de votre morale et de votre savoir, et non du pouvoir de l'abus d'ignorance et de cupidité.
Parce que le sang coule toujours des cœurs des mères, bien avant que leurs enfants commencent à saigner.
Ne reniez pas le ventre de vos mères. Vous vous trompez si vous pensiez en être définitivement sorti. Parce que vous êtes la vie qui refuse de s’en dissocier.