Le Mont Liban et l’eau, un lien menacé

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Posté sur mars 24 2021 par Desiree Azzi, Professeur assistante à l'Université Holy Spirit de Kaslik, Beyrouth 6 minutes de lecture
Le Mont Liban et l’eau, un lien menacé
©Adra Kandil
Grâce à sa richesse hydraulique remarquable, le Mont-Liban a un lien puissant avec l’eau, qui est un facteur déterminant de son identité, aujourd’hui menacée par de nombreux problèmes environnementaux. Une tournée rapide dans le mohafazat nous rappelle le rôle important de l’eau dans le façonnement du paysage. À Tannourine, la gorge de Baatara, d’une profondeur de 250 mètres et d’une largeur de 260 mètres, a été entièrement creusée dans le calcaire par l’eau. Le beau paysage des chutes de Kfar Helda à Batroun est un autre exemple du flot imprenable de l’eau. À Feytroun, les rochers calcaires aux formes bizarres qui se détachent sur le paysage sont le produit d’une érosion lente due à l’action de l’eau.

Grâce à sa richesse hydraulique remarquable, le Mont-Liban a un lien puissant avec l’eau, qui est un facteur déterminant de son identité, aujourd’hui menacée par de nombreux problèmes environnementaux. Une tournée rapide dans le mohafazat nous rappelle le rôle important de l’eau dans le façonnement du paysage. À Tannourine, la gorge de Baatara, d’une profondeur de 250 mètres et d’une largeur de 260 mètres, a été entièrement creusée dans le calcaire par l’eau. Le beau paysage des chutes de Kfar Helda à Batroun est un autre exemple du flot imprenable de l’eau. À Feytroun, les rochers calcaires aux formes bizarres qui se détachent sur le paysage sont le produit d’une érosion lente due à l’action de l’eau.

Toutes ces manifestations naturelles, ainsi que de nombreux ponts naturels et grottes magnifiquement sculptées du Mont-Liban attestent de la présence de l’eau dans la région. Toutefois, le gouvernorat compte de nombreuses traces anthropogéniques de l’exploitation hydraulique à travers l’histoire (puits, ponts, canaux, etc.). Les aqueducs de Zbaydé à Hazmieh sont un exemple significatif de conduits construits sur le territoire libanais. Ils constituent un exemple d’une architecture particulière qui visait à assurer l’alimentation efficace en eau de Beyrouth et de ses environs. L’accès à l’eau a toujours été vital pour la croissance. Par-conséquent, dès lors que des populations se sont installées dans le Mont-Liban, elles se sont regroupées dans des villes et villages au bord des principales rivières, d’où leurs noms si évocateurs. Quand on examine de plus près les noms des villes et villages, on se rend compte du rôle-pivot de l’eau dans l’histoire du gouvernorat. À titre d’exemple, Afka signifie source courante. Le Mont Barouk doit son nom à une source d’eau fraîche appelée « la bénie », où les animaux s’arrêtaient pour se reposer. Hazmieh signifie le gardien ou le protecteur de l’eau. Selon la légende, Debbiyé aurait été nommée à l’origine « Aïn el-Debbé », ou source de l’ours, en référence à un ours qui avait élu domicile près de la source d’eau du village. Laklouk (les perles) est une image symbolique de l’eau de la région qui, sous les rayons du soleil, donne l’impression d’être perlée. Jbeil signifie le puits ou la source d’eau de Dieu. Aïntoura est la source d’eau dans la montagne. Nahr el-Dahab fait référence à la rivière qui prend une teinte brun doré quand les feuilles mortes jaunes du Platanus orientalis jonchent son lit, etc. Même les familles qui se sont installées dans ces villes et villages portent souvent des noms qui font référence à l’eau, soit parce qu’elles sont issues de régions riches en eau, soit parce que leurs ancêtres exerçaient une profession en relation avec l’eau. Safi, par exemple, est le mot arabe qui signifie pureté et calme de l’eau. Rizk se réfère à l’abondance de pluie. Akiki, en arabe, est une vallée creusée par un cours d’eau.

Ces quelques exemples nous font remonter dans le temps, et mettent en relief le lien antique entre le Mont-Liban et l’eau. Malheureusement, les ressources hydrauliques sont mal gérées dans cette mohafazat, étant soumises à de nombreuses pressions aux niveaux qualitatif et quantitatif, ce qui menace de transformer ce mohafazat telle que nous le connaissons.

Au niveau quantitatif

Bien que le Mont-Liban soit un château d’eau naturel, jouissant des cours d’eau les plus abondants du pays, il fait face actuellement à des problèmes de pénurie. En effet, le stress hydrique est causé par la croissance démographique, la surexploitation, le flux important de réfugiés, ainsi que l’utilisation non-durable et le gaspillage de l’eau. Étant donné que l’accès à l’eau potable est limité et insuffisant pour répondre à la demande grandissante (domestique, industrielle, irrigation) dans le mohafazat, le bilan hydrique est négatif. Les solutions en vue d’un approvisionnement additionnel en eau à court terme doivent inclure des barrages, des lacs de montagne et la réalimentation des aquifères, dans le respect des normes environnementales. Nous devons également réduire le taux estimé à 50 % de gaspillage d’eau dans les canalisations de distribution et les réseaux d’irrigation, par un entretien continu des infrastructures. De plus, une surveillance du forage incontrôlé de puits est une nécessité. Sur le plus long terme, des réformes en vue d’une gestion intégrée de l’eau doivent être appliquées, et une étude de faisabilité de l’utilisation des sources d’eau douce en mer doit être effectuée, malgré son coût élevé suivant les estimations.

 

Au niveau qualitatif

Toutes les rivières du Mont-Liban sont polluées par un volume important d’eaux usées. La contamination par des polluants organiques et non-organiques est par-conséquent une triste réalité, aggravée par des crues subites et fréquentes dans les bassins hydrologiques côtiers. Les conséquences de ces épisodes de pluies, courts et intenses, sont accentuées par la mauvaise gestion des sols, des pentes très fortes et la déforestation, qui mènent à une augmentation du débit de l’eau, à une érosion significative des particules et à des flux de polluants. Des solutions à court terme doivent comprendre une amélioration de la collecte et du traitement des eaux usées, et la création d’observatoires des rivières côtières qui permettraient de suivre leur état et de réagir aux menaces aussi promptement que possible.

Sur un plan plus large, une réorganisation de tout le secteur de l’eau, accompagnée de plans d’investissement, aiderait à améliorer la gouvernance. Ensuite, la responsabilité des acteurs de l’eau, principalement l’Office des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban, doit être réaffirmée. D’une manière générale, nous avons besoin d’une réforme du secteur, avec des objectifs pratiques et réalistes. La gestion intégrée des ressources hydrauliques doit être établie, appuyée par des lois sur l’eau. Enfin, une sensibilisation collective, ainsi que le renforcement de la coopération sont plus que jamais nécessaires pour sauver ce qui reste de notre identité.

Il n’y a plus de temps à perdre pour préserver le Mont-Liban ! La pénurie d’eau est d’ores et déjà une réalité et va s’aggraver si nous ne réagissons pas sans plus tarder. Pour nous, il n’y a pas de question plus urgente, c’est de notre survie dans la terre de nos ancêtres qu’il s’agit. Le choix nous appartient.

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