Bourj Brajneh : un espace urbain qui regroupe des Palestiniens, des Syriens et des travailleurs étrangers

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Posté sur mars 24 2021 par Nadia Latif, Affiliée de recherche au Smith College 6 minutes de lecture
Bourj Brajneh : un espace urbain qui regroupe des  Palestiniens, des Syriens et des travailleurs étrangers
Un grand nombre parmi les habitants du camp palestinien de Bourj Brajneh viennent du nord de la Galilée, annexée par l’État d’Israël en 1949. L’installation de ce camp est due en grande partie aux liens économiques et sociaux qui existaient entre Beyrouth et les localités du nord de la Galilée. Ces liens, notamment entre de grandes familles de Tarchiha et Bourj Brajneh ont poussé les premières à trouver refuge dans cette zone en 1948.

Un grand nombre parmi les habitants du camp palestinien de Bourj Brajneh viennent du nord de la Galilée, annexée par l’État d’Israël en 1949. L’installation de ce camp est due en grande partie aux liens économiques et sociaux qui existaient entre Beyrouth et les localités du nord de la Galilée. Ces liens, notamment entre de grandes familles de Tarchiha et Bourj Brajneh ont poussé les premières à trouver refuge dans cette zone en 1948.

La Croix-Rouge libanaise et le Croissant Rouge palestinien, qui sont jusqu’à aujourd’hui responsables du bien-être des réfugiés palestiniens au Liban ont estimé depuis le début qu’il leur était plus facile d’offrir des services humanitaires à des groupes de réfugiés déjà rassemblés. En même temps, il y avait aussi un désir de maintenir les familles regroupées, ainsi que les habitants d’un même village ou d’une même localité. C’est ainsi que Bourj Brajneh a été reconnu officiellement comme un camp de réfugiés par ces deux organisations dès 1949.

Au début, les conditions de vie dans le camp de Bourj Brajneh étaient dures. Il n’y avait même pas suffisamment de tentes. Des familles qui n’avaient aucun lien de sang entre elles ont été ainsi contraintes de partager la même tente. Certaines tentes étaient même déjà utilisées et endommagées, alors que les nouvelles ont été rapidement déchirées par les pluies diluviennes. Les toilettes étaient communes et l’eau était assurée à l’aide de sceaux ou de jarres, d’ailleurs trop lourds pour être transportés sur de longues distances.

La situation s’est toutefois améliorée avec la fondation de l’Unrwa en 1950. Depuis, chaque famille avait une tente et, petit à petit, les réfugiés ont été autorisés à consolider ces tentes avec des murets construits en terre battue. Ensuite, ils ont été autorisés à construire une ou deux chambres avec des pièces de tôle ou des planches de bois. Malgré tout, la construction d’habitations plus solides est restée interdite, ainsi que celle de toilettes.

Le Deuxième Bureau de l’armée avait installé une permanence à l’entrée du camp pour surveiller le respect de ces mesures. Au départ, cette permanence avait été installée sur les lieux sous le mandat français en tant que position militaire de renseignements et de contre-espionnage, mais elle a été maintenue sur les lieux par le nouvel État libanais fraîchement créé. Les réfugiés n’avaient pas le droit de quitter le camp avant l’aube et après le coucher du soleil. Les rassemblements de plus d’un certain nombre de personnes étaient interdits et il fallait obtenir un permis spécial du Deuxième Bureau pour organiser des cérémonies de mariage ou d’enterrement.

Le déplacement forcé, l’appauvrissement et le contrôle du Deuxième Bureau ont créé une collectivité particulière qui mélangeait dans son mode de vie les habitudes d’avant la Nakba et les nouvelles conditions du camp.

Parmi les habitudes d’avant la Nakba, les espaces habitables étaient conçus selon le schéma suivant : des chambres entourant un espace commun appelé « dar ». Chaque fois que l’un des fils de la famille se mariait, une nouvelle chambre était ajoutée pour qu’il puisse s’y abriter avec sa famille. En général, les membres d’une même famille préféraient vivre les uns à côté des autres, mais petit à petit, les voisins se sont joints aux groupes familiaux. À mesure que le nombre de réfugiés grandissait, on a commencé à donner des noms aux quartiers du camp, selon les patronymes des familles qui y résidaient, ou selon le village d’origine en Palestine. Ces noms sont toujours valables aujourd’hui.

A partir des années 50 du siècle dernier, des liens ont commencé à se développer entre les habitants du camp de Bourj Brajneh et leurs voisins libanais. De nombreux réfugiés ont ainsi trouvé du travail dans les champs proches possédés par des chrétiens libanais. La construction de l’aéroport international de Beyrouth en 1954 a aussi permis aux réfugiés palestiniens de trouver du travail, ainsi d’ailleurs que les sunnites et chiites venus des localités rurales de la Békaa et du Sud, qui étaient venus s’installer dans le secteur. Les réfugiés palestiniens et les Libanais venus de la Békaa et du Sud avaient en commun, le déplacement des localités rurales vers la cité, ainsi que la pauvreté. Des liens se sont ainsi noués entre eux puis se sont consolidés par des mariages.

Certes, les relations entre les réfugiés et les Libanais déplacés des zones rurales vers la cité n’étaient pas nécessairement harmonieuses. De nombreux conflits éclataient. Mais à force de travailler ensemble et de se côtoyer, une forme de solidarité est née. A certains moments, elle se traduisait à travers la division des classes sociales. Tantôt elle était cimentée par le discours révolutionnaire panarabe, et tantôt encore elle consistait en une sorte d’affiliation familiale.

L’arrivée de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et l’installation de ses bases dans les camps de réfugiés palestiniens ont amené avec elles de nouvelles structures sociales, éducatives et sanitaires. À Bourj Brajneh en particulier, les services étaient fournis aux Palestiniens et aux Libanais. Par exemple, l’Hôpital Haïfa a survécu au départ de l’OLP en 1982. À l’origine, il s’agissait d’une simple clinique installée par le Croissant-Rouge palestinien, mais il s’est développé et cet hôpital continue de soigner les Palestiniens et les Libanais des environs du camp.

Toutefois, au cours de la dernière décennie, l’arrivée des réfugiés syriens à partir de 2012 a modifié la composition démographique du camp. De plus, sa situation géographique à proximité de la ville a provoqué un développement de la location immobilière, qui a profité à de nombreuses familles. Celles-ci se sont mises à louer des appartements et même des chambres à des réfugiés syriens ou palestiniens venus d’autres camps du Liban et à des travailleurs étrangers. Les services fournis par les ONG palestiniennes et celles travaillant dans les camps (qui se sont multipliées après la fin de la guerre civile en 1990), ainsi que les soins donnés par l’Hôpital Haïfa, ont permis de créer un pont entre les différentes communautés qui constituent actuellement les résidents du camp de Bourj Brajneh et de ses environs.

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