Les hôpitaux du Mont-Liban peinent sous le double poids de la pandémie et de la crise économique

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Posté sur mars 24 2021 par Ghada Sherif, Journaliste 5 minutes de lecture
Les hôpitaux du Mont-Liban peinent sous le double  poids de la pandémie et de la crise économique
Il y a six mois, Samer Saadé, médecin urgentiste du centre médical Bellevue du Mont-Liban, n’aurait jamais imaginé que les unités de soins intensifs déborderaient de patients souffrant du coronavirus, et admis dans un état critique.

 

Il y a six mois, Samer Saadé, médecin urgentiste du centre médical Bellevue du Mont-Liban, n’aurait jamais imaginé que les unités de soins intensifs déborderaient de patients souffrant du coronavirus, et admis dans un état critique.

Le personnel médical du centre, qui dispose de 22 lits réguliers et de 8 lits de soins intensifs pour les personnes contaminées, se préparait à une crise sanitaire depuis des mois. L’hôpital fonctionne aujourd’hui à pleine capacité.

Le nombre de patients atteints de coronavirus a dépassé toutes les estimations du Dr Saadé. En janvier 2021, le Liban a été témoin de la plus dangereuse flambée de cas de coronavirus depuis le mois de février 2020, date à laquelle les premiers cas s’étaient déclarés. Début 2021, en quelques jours, il est passé d’environ 3000 cas quotidiens à plus de 6000.

 « Le flux entrant de patients était si élevé que nous n’avions plus de lits libres. Nous avons dû traiter des patients aux urgences parce que nous ne pouvions les transférer nulle part ailleurs. Tous les hôpitaux du Mont-Liban étaient pleins », a déclaré le médecin.

Le mohafazat du Mont-Liban compte une dizaine d'hôpitaux répartis sur ses six cazas : Aley, Baabda, Chouf, Jbeil, Kesrouan et Metn. La population combinée des deux mohafazat de Beyrouth et du Mont-Liban est estimée à environ deux millions de personnes, soit près de la moitié de la population libanaise.

Au 9 février 2021, on comptait un total de 141 988 cas de coronavirus dans les six districts du Mont-Liban, soit 43,7 % du total des 324 859 cas du pays depuis le 21 février 2020. (*)

La pandémie de coronavirus est venue se greffer sur la pire crise économique que le Liban ait connue depuis des décennies, une crise qui a exercé à une période critique une pression supplémentaire sur un secteur de santé déjà fragile. « Trente pour cent de notre personnel hospitalier était déjà parti à cause de la crise économique, la pression a été incroyable », a poursuivi Samer Saadé.

En 2020, la monnaie nationale du Liban s’est dépréciée de 80 %.

« Donc, si je touchais auparavant un salaire équivalent à 6 000 dollars, il n’en vaut plus aujourd’hui que 120 dollars environ. Le personnel médical se rend donc dans d’autres pays arabes où il peut être payé en dollars », explique le médecin.

La crise économique a également eu un impact sur la capacité des hôpitaux à se doter d’équipements de protection contre le coronavirus. Le Dr Saadé précise que si le ministère de la Santé a apporté un certain soutien dans ce domaine, l'hôpital a dû rationner les EPI (équipement de protection individuelle), y compris les masques et la gaze, au cas où ils seraient épuisés.

Depuis le début de la pandémie, l’hôpital Mont-Liban, l’un des plus grands du mohafazat, a accueilli 650 patients atteints de coronavirus, dont 90 sont décédés, soit environ 13 % des admissions, selon Élie Gharios, directeur médical de l’hôpital.

L'établissement est équipé de 80 lits pour patients atteints de coronavirus, dont 40 en unité de soins intensifs (USI). Ceux-ci sont à leur pleine capacité, a déclaré le Dr Gharios.

Selon le mohafez du Mont Liban, Mohammad Mekkaoui, après l'explosion au port de Beyrouth le 4 août, qui avait endommagé ou détruit la moitié de la capitale, des mesures de bouclage stricts ont été mises en œuvre, mais trop tard. Elles avaient déjà perdu de leur priorité, aux yeux de la population.

« De fait, après l'explosion, les rassemblements de protestataires et de bénévoles dans les rues jonchées de verre et de débris se sont multipliés », a précisé Mekkaoui.

Venus à Beyrouth de tout le pays et des différents cazas du Mont-Liban, beaucoup de volontaires se sont rassemblés au cours des semaines qui ont suivi le drame, pour aider à nettoyer les débris provoqués par l’explosion, sachant que certaines zones relevant administrativement du Mont-Liban, comme Bourj Hammoud, Sin el-Fil et Hazmieh, ont été touchées par l'explosion.

Juste avant la catastrophe, 177 cas de coronavirus avaient été enregistrés en 24 heures à travers le pays par le ministère de la Santé. Le 19 août, deux semaines plus tard, les cas de coronavirus étaient passés à 589.

« Nous aurions dû imposer un bouclage de 20 jours en septembre pour empêcher le virus de se propager. Nous aurions pu le ralentir », a poursuivi M. Mekkaoui. Le mohafez du Mont-Liban affirme tout de même que la crise économique avait déjà considérablement affecté la capacité des résidents à adhérer au lock-out.

« Le retard dans la mise en œuvre des restrictions nous a contraint à imposer un bouclage plus long. Toutefois, en raison de la situation économique, la plupart des gens ne pouvaient plus rester sans travail aussi longtemps », a estimé le mohafez.

En janvier 2021, le Liban a mis en place un bouclage sans précédent pour endiguer la plus dangereuse flambée que le pays ait connue. Cette explosion de cas est largement imputée à la décision des autorités de lever la plupart des restrictions durant les fêtes de fin d’année, en décembre 2020. La levée progressive des restrictions devrait s’achever fin mars.

Le pays touché par la crise se prépare à déployer des vaccins contre les coronavirus à partir du 14 février 2021. Le gouvernement a réservé quelque 2,1 millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech qui doivent parvenir au Liban par livraisons hebdomadaires. La première phase des vaccins visera les résidents les plus vulnérables, y compris les agents de santé de première ligne et les personnes de plus de 65 ans.

 

(*) Les chiffres du ministère de la Santé ont été arrêtés avant publication au 9 février 2021.

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