S’il est un élément qui doit figurer en tête des priorités de la praxis politique au Liban, c’est bien la transparence. Le mouvement de contestation déclenché à la mi-octobre de l’année dernière a bien démontré cette lacune dans la gouvernance des pouvoirs publics libanais. Il est pour le moins hallucinant de constater la facilité avec laquelle tout devient rapidement « secret d’État » dans ce pays. Cela va de la formation des gouvernements aux différentes initiatives sectorielles, en passant par la fabrication des lois électorales, jusqu’à la tarification de nombreux services publics. Tout se passe dans le chuchotis honteux des alcôves, entre personnages aux allures de conspirateurs.
Le secteur privé, lui, n’est pas en reste. Les Libanais l’ont amèrement constaté avec les restrictions bancaires que les établissements de crédit se plaisent à modifier toutes les semaines, tantôt à la tête du client, tantôt sous l’injonction opaque de la Banque du Liban.
Les contestataires ont pu en tout cas dégager une certitude : si les citoyens libanais s’engagent très peu dans la vie publique, c’est bien en raison de cette chape de plomb qui frappe l’information officielle, dont l’accès relève du parcours du combattant en dépit d’une loi votée et adoptée au Parlement. Et encore ! Moins par conviction que pour se dédouaner face aux pressions exercées par la communauté internationale…
Résultat : comme le citoyen est très peu informé de ses droits, il se tourne naturellement vers son mentor politique. Celui-ci peut être un chef de parti, un ministre, un haut fonctionnaire, voire un dignitaire religieux. Ainsi, au lieu de prendre le chemin légal existant dans tout État de droit, il s’habitue à emprunter le sentier tortueux du trafic d’influence et de la corruption.
Le mouvement de contestation de ces derniers mois, a permis une prise de conscience de cet état de fait et balayé un nombre incalculable d’idées reçues et mises en pratique depuis de nombreuses années. Mais prendre conscience de cette anormalité ne suffit pas. Encore faut-il agir dans un cadre structurel minimum pour se faire entendre et aboutir au résultat escompté.
Au risque de laisser s’évaporer l’espoir d’un changement qui a pourtant tous les attributs pour être salutaire.