La problématique des mariages mixtes entre personnes de différentes religions ou nationalités

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Posté sur déc. 01 2017 8 minutes de lecture
La problématique des mariages mixtes entre  personnes de différentes religions ou nationalités
Qu’il s’agisse d’une différence de nationalité ou de communauté, les couples mixtes font souvent l’objet d’opposition. D’abord, il faut convaincre la famille de son choix. Puis, il faut faire accepter son couple par son environnement. Trois couples en témoignent.

En vérité, la charte des droits de l’homme a établi et consacré le principe de l’égalité entre tous les êtres humains, de sorte qu’il n’est plus permis de distinguer entre une personne et une autre, ou d’établir une discrimination sur la base de la religion, de la race ou de la nationalité ; toutefois, l’idée même du mariage mixte, sur un plan juridique, repose sur la reconnaissance de l’existence de différences de divers ordres.

Ainsi, concrètement parlant, les distinctions en question sont légitimées dans les sociétés multiculturelles et plurielles par la nécessité de préserver la culture, les particularités et l’homogénéité sociale. Mais derrière ces grands principes se cachent en fait et se mêlent des motivations de nature étroitement confessionnelle, sectaire et ethniques.

Concrètement parlant, d’ailleurs, cette problématique se pose dès le départ. De fait, comment distinguer entre les " problèmes objectifs " qui surgissent, et ceux que l’on anticipe normalement dans les mariages mixtes, des problèmes similaires qui se posent dans les mariages homogènes du fait non des différences confessionnelles et ethniques, mais des différences culturelles, sociales et familiales, ou encore des différences provenant de la nature du travail, de l’habitat, de l’environnement social et des habitudes, etc.

En réalité, aucun chercheur attentif et objectif ne peut nier l’existence des problèmes et conflits qui se produisent, et qui continueront de se produire, à l’intérieur de chaque type de mariage. Il suffit pour le constater de rendre visite aux tribunaux religieux de chaque communauté, pour réaliser l’étendue des problèmes liés à des différences qui vont bien au-delà de celles qui sont dues à la religion ou à la nationalité. On constate alors qu’il y a des unions réussies et des échecs dans tous les types de mariages, avec des raisons spécifiques dans chaque cas, et qu’il n’existe pas de règle qui permettrait de faire prévaloir un type de mariage sur l’autre, ou condamnant à l’échec le mariage mixte. L’institution du mariage est en effet pleine de spécificités et de motivations particulières et impénétrables.

Pourtant, peut-on malgré tout dégager certains lignes directrices et facteurs communs de succès ou d’échec de l’union conjugale mixte ?

L’un des principaux arguments contre le mariage mixte est l’existence de valeurs de références contradictoires, voire potentiellement conflictuelles entre les religions et les nationalités, ainsi qu’entre les cultures, qui finissent immanquablement par devenir des sources de conflits pour les conjoints.

Certaines de ces difficultés et divergences ont un cachet objectif comme c’est le cas de tous les conflits ordinaires qui peuvent surgir à l’intérieur d’un foyer ; d’autres sont plus spécifiquement en rapport avec la nature du mariage mixte et interagissent avec d’autres facteurs, et notamment dans les cas suivants :

- Le mariage entre conjoints de nationalités différentes : dans ce cas, la problématique peut être en rapport avec le statut légal de l’union, et la possibilité de l’acquisition plus ou moins facile de la nationalité du conjoint (le cas type ici est celui de la mère libanaise qui ne peut transmettre sa nationalité à ses enfants, pour des motifs en rapport avec la peur de l’implantation). Ce type de problématique est ouvertement débattu au sein de la société civile et politique. Citons également sur le plan légal la problématique des différences dans les régimes successoraux et du principe de réciprocité entre les États.

Dans certains cas, les conflits qui surgissent en raison de ces régimes juridiques différents se répercutent rapidement sur l’entente conjugale. Mais ces conclusions mêmes sont aujourd’hui remises en question, dans le contexte de la mondialisation culturelle. Car si les valeurs de référence des deux conjoints étaient si contradictoires, la perspective d’une union aurait été écartée dès le départ. Toutefois, il arrive aussi que les contradictions entre valeurs de référence distinctes soit renforcées par les milieux ou vivent les conjoints, par exemple en matière de liberté individuelle, de respect des coutumes familiales et sociales, de la prédominance des liens familiaux ou encore du rapport aux enfants et à leur éducation, de l’obligation de se sacrifier pour eux, toutes approches qui sont bien différentes, selon qu’on soit dans une société orientale ou dans une société occidentale dominée par l’individualisme.

Quoi qu’il en soit, pour l’heure, et avec l’augmentation du nombre des déplacés syriens, les unions entre Libanais et femmes syriennes ont augmenté de façon significative ; certes, le phénomène n’est pas nouveau, mais il revêt en ce moment un aspect particulier avec le mariage des mineures, malgré l’absence de statistiques fiables dans ce domaine.

On sait toutefois que, selon les chiffres de l’Unicef, 32 % des mariages entre Syriens enregistrés au Liban concernent des mineures de moins de 18 ans, un chiffre qui reflète principalement l’origine rurale des conjoints. L’augmentation de ce taux est, croit-on, en rapport avec les situations de pauvreté et la recherche de stabilité sociale. Le fait que des hommes de nationalité libanaise ou autre contractent des mariages avec des mineures syriennes constitue un problème supplémentaire que cet article tente de saisir.

- Les mariages de conjoints de religions différentes : il ne fait pas de doute que le vivre ensemble qui marque les sociétés multi religieuses et multi communautaires est de nature à rapprocher les diverses valeurs de référence, mais ce phénomène n’est pas inéluctable. Dans certains cas, c’est au contraire la haine, l’intolérance et les rivalités qui se développent. Tout dépend, en premier chef, de la capacité de l’autorité publique à généraliser la culture de la tolérance, de la justice et de l’égalité ; car dans ce cas, le vivre ensemble peut engendrer un système de valeurs de références commun reposant sur la culture de la citoyenneté, et non plus sur l’appartenance communautaire ou sectaire.

La réalité est cependant toute autre. Concrètement parlant, les divergences s’approfondissent du point de vue légal, et même social, à l’ombre d’un régime confessionnel comme celui qui existe au Liban, avec des règlements, des lois et des coutumes bien ancrés. Ainsi, sur le plan légal, le statut de l’état-civil chez les musulmans autorise la polygamie et le divorce, ce qui accentue le caractère patriarcal de la société, d’autant plus que le mariage chez les musulmans est un contrat comme un autre et que l’on peut s’en dégager de façon unilatérale, ce qui est inconcevable chez les chrétiens.

Les lois successorales accentuent encore ces divergences, les chrétiens étant soumis au régime de l’égalité homme-femme, conformément à la loi civile de 1959, alors que chez les musulmans, les lois successorales avantagent les hommes, même si certaines ruses légales tentent aujourd’hui de contourner cette réalité : ainsi, le changement de religion ou de dénomination, pratiqué par les chrétiens pour pouvoir divorcer, ou les dons et les comptes bancaires joints pour les femmes chez les musulmans, qui permettent aux femmes d’hériter comme les hommes. D’où le constat que la base juridique, pour importante qu’elle soit, compte moins que les mentalités et les valeurs mises en pratique dans la société.

L’une des principales problématiques susceptibles de marquer ce type de mariage mixte est celui de " l’éducation religieuse " des enfants ; certes beaucoup de parents résolvent cette problématique en décidant de donner à leurs enfants une éducation dite laïque ; mais tôt ou tard, eux et leurs enfants sont rejoints par la culture confessionnelle juridiquement légitimée et structurée par des institutions spécifiques.

- Quant au mariage entre conjoints de dénominations différentes, il ne pose plus les mêmes problèmes que jadis aussi bien chez les chrétiens que chez les musulmans, en dépit de certains résidus culturels qui continuent de jouer dans des milieux conservateurs ; encore qu’un regain d’influence des spécificités se manifeste aujourd’hui chez les musulmans (musulmans chiites et sunnites, druzes et alaouites), avec la montée des tensions et des conflits.

Pour dépasser les problèmes du mariage traditionnel, certains ont désormais recours au mariage civil. Ces unions n’ont pas d’effet légal si elles sont contractées au Liban. Mais les tribunaux civils le reconnaissent en fonction de l’article 25 du règlement LR60, s’ils sont contractés selon les règles dans un pays étranger. C’est la raison pour laquelle les voyages à Chypre, en Grèce, en Turquie et ailleurs se sont multipliés, et que les agences spécialisées se sont propagées dans ce domaine.

En dépit de toutes les difficultés et les problématiques, les mariages mixtes se sont généralement multipliés, montrent les dernières études sociologiques et statistiques, encore que ces mariages restent bien moins nombreux entre conjoints chrétiens et musulmans.

Ainsi, les dernières statistiques montrent que les mariages mixtes, au nombre de 173 883 aujourd’hui représentent 15 % du total des unions et sont réparties comme suit : 32 231 mariages entre musulmans de dénominations différentes et 118 250 entre chrétiens d’Églises différentes, ainsi que 10 797 mariages entre chrétiens et musulmans. Ainsi, le nombre de mariages interchrétiens est trois fois plus grand que celui des mariages intermusulmans (68 % du total contre 18,5 %), alors que les mariages chrétiens-musulmans stagnent dans un pourcentage étriqué (6,2 % du total des mariages mixtes).

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