Au fil des années, l’opinion qui a finalement prévalu au Liban et dans le monde arabe, c’est que le nombre des Palestiniens réfugiés au Liban pouvait atteindre, un demi-million ou, au bas mot, 400.000.
Certes, les registres de l’État libanais (Sûreté générale) et de l’Unrwa, donnaient à cet égard et respectivement, 592.711 et 459.292 résidents palestiniens. Des chiffres recueillis à six mois d’intervalle (mars 2016-octobre 2016).
L'ambitieux recensement officiel des Palestiniens au Liban a été lancé en février 2017, et s’est déroulé sous la supervision conjointe du Comité de dialogue libano-palestinien (LPDC), de la Direction centrale des statistiques et du Bureau central des statistiques palestinien. Il fixe le nombre de Palestiniens au Liban, qu'ils vivent dans des camps ou des regroupements informels, à 174.422 personnes. À ce chiffre, l’on doit ajouter celui de 18.601 Palestiniens réfugiés venus de Syrie.
Ceux qui doutent de ces résultats doivent tenir compte des faits suivants :
1- Ce recensement jouit d’une haute garantie de fiabilité. Effectué sous la supervision des organismes officiels libanais et palestinien, le recensement a compris les habitants des douze camps reconnus officiellement au Liban : Bourj Brajneh, Chatila, Mar Élias, Dbayé, Aïn el-Héloué, Miyé Miyé, Rachidiyé, Bass, Bourj al-Chémali, Jalil, Nahr el-Bared et Beddaoui. Il couvre en outre les 156 agglomérations et regroupements résidentiels recensés. Ces regroupements sont identifiés comme rassemblant 15 familles palestiniennes et plus, et sont divisés en deux groupes : les regroupements contigus aux camps palestiniens et nés de leur extension naturelle, sous la poussée démographique (Nahr el-Bared au Nord, Sabra à Beyrouth), et d’autres rassemblements plus flous, situés dans des banlieues ou des villages situés au voisinage des villes (par exemple à Jal el-Bahr, dans certains villages du Chouf, dans le vieux Saïda). Les résultats couvrent aussi bien les Palestiniens que les résidents d’autres nationalités.
Plus de 1.000 jeunes des deux sexes, experts locaux palestiniens, libanais et internationaux équipés de tablettes électroniques, ont centralisé les données obtenues.
2- Le recensement de terrain a compris tous les bâtiments et unités résidentielles et non-résidentielles des camps et regroupements concernés et a développé une méthode de classement géographique de tous les logements visités.
3- Quatre équipes d’enquêteurs de terrain ont participé au recensement, effectué entre le 17 et le 30 juillet 2017 : les enquêteurs de terrain, les chefs d’équipe, les coordinateurs de région et les facilitateurs. Le recensement a compris le décompte réel des habitants (Palestiniens, Libanais, Syriens et autres nationalités arabes). Les visites à domicile ont compris le remplissage d’un formulaire comprenant 90 entrées (nombre, situation économique, niveau d’éducation, situation sociale, etc.).
4- Le résultat du recensement a permis d’établir une population totale de 237.614 âmes. Outre les réfugiés palestiniens mentionnés ci-dessus au Liban et en Syrie, ce chiffre comprend notamment 30.368 Syriens, 12.832 Libanais et 1.390 d’autres nationalités.
La répartition des Palestiniens recensés est la suivante : 45 % sont dans les camps et 55 % au dehors, selon la ventilation suivante : Saïda (35,8 %), Nord (25,1 %), Tyr (14,7 %), Beyrouth (13,4 %), le Chouf (7,1 %) et la Békaa (4 %).
5- Il est apparu que 4,9 % des Palestiniens possèdent une autre nationalité, que 7,2 % d’entre eux sont illettrés, alors que 93,6 % ont été scolarisés au moins entre l’âge de 3 et 13 ans. Par ailleurs, le taux de chômage dans la population recensée est de 18,4 % dans la population adulte et de 28,5 % chez les jeunes entre 20 et 29 ans. Le pourcentage de Palestiniens dans les camps est de 72,8 %. La moyenne familiale est de 4 personnes seulement.
Les Palestiniens sont minoritaires dans les camps de Chatila (29,7 % contre 57,6 % de Syriens) et Bourj Brajneh (44,8 % contre 47,9 % de Syriens). À Dbayé, ils forment 42,8 % de la population, contre 38,9 % de Libanais. À Mar Élias, ils sont presque à égalité avec les Syriens : 42,3 % contre 38,9 %.
6- Une autre légende s’envole, celle du nombre de Palestiniens mariés à des Libanaises. Il s’avère que ce chiffre s’élève à 3.707, soit 2 % seulement des 174.422 recensés, celui des femmes mariées à des Libanais représentant un peu plus de 1 % du total (1.219 femmes).
Comment expliquer l’écart entre les chiffres enregistrés par l’État et l’Unrwa d’une part, et les chiffres de ce recensement d’autre part ? En cause d’abord, la politique générale suivie par l’État libanais imposant des restrictions dans l’accès à l’emploi, au logement, à l’éducation, à la santé, etc. Par ailleurs, l’impact de la guerre civile a certainement joué son rôle, notamment la politique de confinement dans les camps suivie durant les années 80. Ces conditions ont poussé de nombreux palestiniens à quitter le Liban et à demander l’asile ailleurs, à l’exception de ceux qui n’avaient pas les moyens de voyager ou ceux qui ont volontairement décidé de rester malgré tout.
En tout état de cause, ce recensement doit inciter l’État libanais à réviser sa politique à l’égard des réfugiés palestiniens, de manière à faciliter leur accès à l’emploi, au logement, à l’éducation et au déplacement, et à respecter leurs droits civils et humains, ce que s’est engagé à faire dorénavant le Comité libano-palestinien pour le dialogue.