Effets dévastateurs de la crise syrienne sur le Liban, mais… prospérité de l’Aéroport

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Posté sur sept. 01 2016 7 minutes de lecture
Il n’est pas étonnant que le Liban soit le pays sur lequel la crise syrienne, qui dure depuis 5 ans, a eu le plus d’impact. Le voisinage immédiat de la Syrie le rendait en effet particulièrement vulnérable.

Il était donc naturel que la croissance économique du Liban recule sous l’effet de cette crise et passe de 8 % en 2010 à 2 % en 2011, année du début de la crise syrienne ; normal aussi que le PIB régresse, entre 2011 et 2015 de 15 milliards de dollars environ ; un chiffre qui pourrait passer à 20 milliards fin 2016, selon l’expert économique Ghazi Wazni.

La crise syrienne a été déterminante pour le cours des événements au Liban, par ses conséquences négatives sur l’économie, les finances, la vie politique et la situation sociale. Un rapport récent la Banque mondiale en établit le bilan catastrophique. Selon ce rapport, les pertes du Liban s’élèvent à plus de 10 milliards de dollars, et se répartissent comme suit : coût de santé, 450 dollars/an pour chaque réfugiés syrien ; éducation, environ 450 000 élèves syriens pour seulement 350 000 Libanais ; chômage, un taux de 60 % dans la catégorie des jeunes de 23-26 ans, selon des chiffres avancés par l’institution Labora, sans parler de la concurrence sauvage que les administrations syriennes livrent aux institutions libanaises.

Pourtant, face à ce tableau noir, une grande exception : l’Aéroport international Rafic Hariri. L’aérogare, en effet, a bénéficié de la crise du fait que beaucoup de voyageurs syriens l’ont adopté, de préférence à celui de Damas, comme l’indique le président du service commercial de la MEA, Nizar Khoury. C’est ainsi qu’entre novembre 2015 et juillet 2016, une augmentation de 6,8 % du nombre des voyageurs a été observée, par rapport à ce qu’elle était durant la même période, un an auparavant. Entre 2014 et 2015, cette augmentation a même atteint une pointe de 9,9 %.

Elle est en ce moment en recul, du fait des restrictions sur les visas imposées par le Liban, sachant que les voyageurs syriens se rendent principalement en Jordanie, en Turquie et vers certains pays arabes. Néanmoins, avec environ 7 700 000 passagers en 2016, selon les projections disponibles, le mouvement des passagers à l’Aéroport international Rafic Hariri a augmenté de 7 % par rapport à 2015 (7 204 000 passagers), au point même que, selon Nizar Khoury, il fonctionne en ce moment à pleine capacité, et son infrastructure devrait être rapidement mise à niveau.

Il y a lieu de signaler que le putsch manqué en Turquie a donné un coup de frein momentané à cette activité, et a provoqué un recul de 30 % du mouvement des passagers entre Beyrouth et Istanbul

Wazni : augmentation des rentrées dues aux taxes sur les billets d’avion

Selon le Bureau de la recherche, des études et de la documentation au ministère du Tourisme, le nombre total d’arrivées de Syriens à l’aéroport s’est élevé en 2012 à 121 091, pour atteindre un an plus tard le chiffre de 314 889 (+ 160%). Puis, après avoir régressé légèrement en 2014 et 2015 (303 182 et 263 618 passagers respectivement), il a fait un bond extraordinaire en 2016 pour atteindre, fin juillet 652 195 passagers.

 

Ces chiffres n’étonnent pas l’expert économique Ghazi Wazni, qui affirme dans le quotidien an-Nahar que ce bond s’explique par le nombre de réfugiés et d’hommes d’affaires syriens qui préfèrent désormais l’aéroport de Beyrouth à celui de Damas. Cette augmentation s’est évidemment répercutée sur le nombre de passagers qui empruntent les avions de la compagnie MEA, ainsi que sur le volume des taxes perçues sur les billets d’avion. M. Wazni précise par ailleurs que le secteur hôtelier en profite aussi, puisque nombre d’hommes d’affaires syriens passent quelques jours à Beyrouth, avant de poursuivre leur voyage.

Par contre, la récente crise en Turquie n’a pas eu d’impact économique sur le Liban, du fait de la quasi-inexistence du tourisme turc vers ce pays et des maigres investissements turcs au Liban. Cependant, les échanges commerciaux se sont ralentis, du fait de la fermeture momentanée des frontières ou des difficultés du transport routier.

Ghobril : l’aéroport de Beyrouth, voie d’accès privilégiée des voyageurs syriens

Le retour de la stabilité politique au Liban consécutif à l’accord de Doha (mai 2008), a donné un élan remarquable au tourisme. C’est ainsi que le nombre de touristes a augmenté de 31 % en 2008, de 39 % en 2009 et de 17 % en 2010. Parallèlement à cette augmentation, le nombre de voyageurs empruntant l’aéroport de Beyrouth a augmenté de 21 % en 2008, 23 % en 2009 et 11 % en 2010. Soit une augmentation de 1,1 million du nombre de voyageurs entre 2007 et 2010, ce nombre atteignant même 2,16 millions de voyageurs en 2010.

Le déclenchement de la crise en 2011 en Syrie a provoqué un recul notable du tourisme au Liban : ce recul a été de 24 % en 2011, et de nouveau de 17 % en 2012, et enfin de 7 % en 2013. Entre 2010 et 2013, ces chiffres se traduisent par 894 000 touristes en moins sur trois années. Ce recul, au total, s’est élevé à 41 % pour cette période, ce qui a évidemment affecté le mouvement des voyageurs à l’aéroport, principal sinon unique porte d’entrée touristique au Liban.

Pourtant le recul du tourisme ne s’est pas accompagné d’un recul du mouvement des passagers à l’aéroport, bien au contraire. C’est ainsi que, parallèlement à la baisse du tourisme dans une proportion de 24 % en 2011, le mouvement des passagers a augmenté de 27,4 % (départs, 28 %, arrivées 27 %), sans compter une augmentation de 85,5 % des passagers en transit. Partant, le nombre de voyageurs arrivant au Liban a été de 3,5 millions, tandis que les partants étaient de 3,52 millions, des chiffres records absolus par rapport à ce qu’ils étaient entre 2008 et 2010.

Ces chiffres s’expliquent par le déclenchement des combats armés en Syrie, en 2011, explique Nassib Ghobril, l’un des grands expert et le directeur du service des études économiques de la Byblos Bank. La dégradation de l’état de la sécurité en Syrie, le ciblage de l’aéroport de Damas et des voies routières qui y conduisent, la suspension des vols en direction de Damas par les grandes compagnies aériennes, a réorienté beaucoup de voyageurs vers l’Aéroport international de Beyrouth. Les vols en correspondance vers toutes les destinations, l’expertise des agences de voyages libanaises et le réseau international de la MEA ont grandement aidé à faciliter ce transfert.

Cette tendance devait se poursuivre en 2012, sachant par ailleurs que l’année 2010 avait été la meilleure année touristique dans l’histoire du Liban. Toujours est-il que le mouvement des passagers en 2012 devait atteindre 5,9 millions de voyageurs (3 millions de départs pour 2,9 millions d’arrivées). Toutefois, et bien que ce dernier chiffre global soit en recul par rapport à celui de 2011 (-16 %), il reste supérieur au recul enregistré dans le nombre de touristes durant la même année (- 17,5%).

En 2013, la tendance baissière s’inverse et le volume global du mouvement des passagers passe à 6,25 millions de voyageurs (+6% par rapport à l’année précédente). Pour M. Ghobril, « la persistance de la crise en Syrie, et même son aggravation, a poussé un grand nombre de voyageurs syriens contraints de fuir vers le Liban et d’y résider provisoirement, à choisir l’aéroport de Beyrouth. C’est le cas plus particulièrement pour les hommes d’affaires qui cherchaient à rester en contact avec leurs fournisseurs ainsi que des familles syriennes candidates à l’émigration transitant par Beyrouth ».

Toujours selon M. Ghobril, l’intensification de la guerre en Syrie à partir de 2013, a également profité à l’aéroport de Beyrouth, du fait de l’afflux de responsables d’organismes de secours et d’ONG de divers types, ainsi que d’instances de bienfaisance arabes et étrangères, sans compter les fonctionnaires des diverses agences de l’Onu.

Ces faits rappellent au responsable cité les hauts cris qui ont accueilli, à la fin des années 90, le projet d’élargissement de l’aéroport de Beyrouth, et le scepticisme avec lequel certains l’ont accueilli, le jugeant inutile. Le temps a prouvé que ce projet d’élargissement était parfaitement justifié, des voix s’élevant aujourd’hui pour demander que la capacité d’accueil de l’aérogare soit augmentée, indépendamment de la crise syrienne et de ses incidences provisoires. Pour M. Ghobril, cet élargissement s’avère indispensable puisque, prévu au départ pour accueillir 6 millions de passagers, l’Aéroport international Rafic Hariri en a accueilli en 2015 7,2 millions.
 
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