Être sous-employé signifie souvent vivre à la maison sous des règles imposées par la famille, retarder l'autonomie sociale et civile et limiter les chances de fonder une famille, le mariage étant étroitement lié – par le coût et les normes sociales – à l'emploi. Les jeunes finissent par retarder leur nuptialité et, fondamentalement, par vivre une vie de frustration, en raison des restrictions aux relations sexuelles hors-mariage.
La croissance économique au Liban, alimentée par la baisse des prix du pétrole et l’augmentation des transferts de l'étranger, n'a pas été créatrice d'emplois. Au contraire, la majeure partie de la création d'emplois a été temporaire et informelle. Le chômage a augmenté parmi les diplômés des écoles secondaires et des universités au fur et à mesure que des jeunes, hommes et femmes, plus instruits accédaient au marché du travail. De plus, les jeunes diplômés au Liban préfèrent émigrer et trouver des débouchés économiques à l’étranger, plutôt que les rares emplois disponibles dans le secteur privé. De fait, le gel de l'emploi dans le secteur public et la stagnation des emplois formels dans le secteur privé, en particulier au cours des dernières années, ont entraîné de très longues périodes de chômage chez les jeunes.
L'exclusion des marchés du travail affecte également, et de façon disproportionnée, les jeunes femmes. L'écart entre les sexes est observé dans les taux de participation au travail des femmes. Ces taux sont les plus bas au monde, puisque seulement une femme sur quatre est présente sur le marché du travail (contre une moyenne mondiale de 50 %). Cela peut être dû aux normes culturelles, mais aussi aux choix des femmes elles-mêmes. Cela peut être attribué aussi à leurs frustrations face aux perspectives médiocres du marché du travail. Les jeunes femmes sont également confrontées à un taux de chômage beaucoup plus élevé que celui de leurs homologues masculins. Ces facteurs font que la plupart des femmes de la région sont systématiquement exclues des marchés du travail. Le déficit d'investissement chez les femmes est donc énorme, sans parler des entraves ainsi constituées à leur droit à l'émancipation économique et sociale.
La frustration parmi les jeunes libanais est aggravée par l'exclusion sociale, car le manque de possibilités d'emploi se traduit par un manque d'accès au logement et un retard de la nuptialité. Il entrave en conséquence la transition vers l'âge adulte indépendant. Le coût moyen d’un logement à Beyrouth est l'un des plus élevés de la région et il n'existe pas une politique de logement qui favorise les jeunes, dépourvus de moyens et empêchés d’emprunter sur la base de leurs futurs revenus potentiels. Cela accentue par ailleurs les dysfonctionnements des marchés de location régis par des lois inefficaces.
Les conditions de vie difficiles rencontrées par la plupart des jeunes au Liban ont largement contribué à un important flux migratoire, principalement chez les jeunes hommes, à la recherche d'un emploi. Un tiers de l’ensemble de ces jeunes souhaite émigrer, temporairement au moins, et 77 % des candidats à l’émigration sont âgés de moins de 35 ans. Le pourcentage d’émigrés est de 14,4 %, par rapport à la population totale résidante (chiffres de 2010-2014). Il figure parmi les plus élevées du monde arabe. Le taux élevé de migration des diplômés (35-40 %) pose en outre un important problème de perte de capital humain. En effet, la migration compétente entraîne nécessairement une pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans certains secteurs, ainsi qu’un manque de ressources qualifiées rares. Pourtant, il est surprenant que le Liban ne dispose pas encore d'une politique explicite et bien articulée de la migration vers l'étranger, mais seulement une politique passive encourageant les migrations comme moyen de réduire l'offre de main-d'œuvre, d'atténuer les tensions sociales et de générer des recettes par virements.
Parallèlement à la promotion de l'intégration économique des jeunes au Liban, la stimulation de la création d'emplois dans le secteur formel devrait être une priorité absolue. Les problèmes qui affectent le marché du travail ne sont pas principalement dus à l'offre excédentaire de chercheurs d'emploi, mais plutôt aux obstacles institutionnels et structurels à la création d'emplois significatifs. Le gouvernement libanais devrait initier une voie de développement socio-économique qui favorise une croissance à forte intensité de main-d'œuvre et créatrice d'emplois, tout en réduisant les inégalités sociales et l'exclusion fondée sur l'âge et le sexe. Il convient de mettre l'accent sur les politiques qui encouragent la création d'emplois dans le secteur formel, notamment en créant un meilleur environnement opérationnel pour les entreprises, en réduisant les formalités administratives, en réformant la législation commerciale désuète et, enfin, en réduisant activement les coûts des entreprises.
À titre d’exemple, le lancement d'une nouvelle entreprise au Liban prend en moyenne un mois et demi, contre une semaine dans les économies développées. Les taux d'intérêt empruntés sont également parmi les plus élevés au monde, malgré toutes les subventions, ce qui impose de sérieuses restrictions au développement des entreprises privées et donc à la création d'emplois.
Pour promouvoir un environnement économique favorable à la création d'emplois, le gouvernement devrait s'attaquer aux attentes et au développement des compétences de ses jeunes travailleurs. Cela devrait être fait d'abord en améliorant le système éducatif, en mettant l'accent sur les examens nationaux et l'accumulation de diplômes et de compétences qui favorisent l'employabilité. Deuxièmement, des sessions de formations systématiques et des possibilités de stages devraient être introduites pour améliorer l'expérience professionnelle des primo-demandeurs d'emploi. Troisièmement, l'emploi dans le secteur public devrait être amélioré en mettant en œuvre des réformes de la fonction publique ; des réformes qui favorisent la productivité et la rémunération au mérite.
Les diplômés du secondaire qui font une demande aux universités doivent être informés de ce dont l'économie a besoin à court et à long terme. Ils doivent être exposés à des données qui révèlent la situation économique du jour et les types d'emplois dont le pays a besoin. Les élèves du secondaire ont besoin de conseils professionnels, et par conséquent cette étape pourrait diminuer le temps d'attente entre l’obtention du diplôme et le succès à trouver un emploi. En conséquence, les universités doivent également être informées et exposées à des données économiques similaires. Elles doivent être encouragées à élaborer leurs programmes pour répondre aux besoins de l'économie en développement. Il y a des secteurs qui peuvent créer des emplois qui n'ont pas vraiment été placés au premier plan de l'agenda, surtout dans des domaines comme le développement durable, les énergies alternatives, mais aussi dans les domaines de la production agroalimentaire et en particulier du secteur de l'eau.
Le Liban est en effet confronté à d'énormes défis en termes de sécurité alimentaire et il existe de nombreuses ressources inexploitées, notamment dans le domaine des projets d'eau ou des projets de travaux publics de grande envergure destinés à créer un type d'infrastructure favorable à de meilleures industries agroalimentaires.
Le gouvernement devrait également fournir des services sociaux de base qui s'adressent aux jeunes, par la fourniture de biens publics plus inclusifs. Il s'agit notamment d'une meilleure protection sociale, d'une assurance-chômage, de subventions au logement et de programmes publics qui soutiennent le logement des jeunes et d'autres formes d'aide sociale qui faciliteraient la transition des jeunes à l'âge adulte. En outre, une attention particulière devrait être accordée à la question de l'exclusion des jeunes femmes des marchés du travail en fournissant un soutien public aux mères qui travaillent, en investissant dans plus de crèches et garderies et en réformant une législation du travail dépassée, pour permettre un congé de maternité plus flexible et des contrats d’emploi protégés.
L'émigration des jeunes doit être abordée comme un symptôme du manque d'intégration de ce segment de population dans l'économie nationale, plutôt que comme une source appréciée de devises grâce aux transferts de fonds. Ce changement nécessite non seulement une modification de la mentalité générale des décideurs, mais aussi la participation active de la communauté internationale par le renforcement des organisations et des traités internationaux sur les migrations. Il faudrait investir davantage dans le renforcement des capacités du secteur public pour mettre en œuvre des politiques migratoires actives et promouvoir des programmes nationaux de promotion du capital humain et de l'emploi.