Toutes les guerres :qu’elles soient entre les nations, des guerres d’invasions, d’occupation ou coloniales... Il n'y a pas de « conflit » qui ne puisse être résolu par d'autres moyens, cela en supposant que les origines des guerres sont des conflits, ce qui est rarement le cas ! De toutes les guerres, les guerres civiles sont les plus agressives et destructrices parce qu'elles se produisent entre des groupes qui sont supposés avoir beaucoup d’éléments en partage, notamment la terre où ils vivent, des frères en quelque sorte. Elles perturbent le tissu social des sociétés existantes (contrairement aux guerres « extérieures » où le sens de l'unité nationale prévaut), ce qui rend les hostilités plus flagrantes et les crimes horribles, impardonnables et inoubliables, sans un effort délibéré et ardent.
Les scènes d'une guerre civile se jouent sous nos yeux en Syrie. Elles évoquent dans l'esprit de ceux qui ont vécu la guerre civile libanaise des souvenirs amers. Il est inutile d'être arrogant et de prétendre que les Libanais l’ont expérimentée « autrement », en tentant des comparaisons entre les donnes et en soulignant les divergences des densités : peut-on dire à une mère qui a perdu un fils que notre guerre était « plus bienveillante » ? Et à celle qui a passé sa vie à rechercher un être cher disparu - qui à ce jour reste introuvable - ou à celui dont la maison a été détruite, laissant sa famille à la rue dans l’attente de la miséricorde divine et la charité des gens... Et à celles qui ont été violées, qu’elles soient dix ou mille : chaque personne violée est une tragédie, chaque mort est « la fin du monde » à ses yeux et parfois à sa famille.
La guerre qui fait rage en Syrie déborde au Liban : par le fait du nombre de personnes déplacées, (la moitié de la population syrienne), dont une bonne partie arrive atterrée au Liban (l’équivalent du quart de sa propre population), par l’insuffisance de l'aide internationale et des dons, laissant le Liban se débrouiller avec ce dont il dispose, mais surtout par le fait qu'elle place ces déplacés dans des conditions indignes de la personne humaine. La guerre Syrie est aussi un élément d’attisement des divers conflits politiques locaux, qui tournent souvent autour des bénéfices financiers et de l’influence politique, et sont entrepris par toutes les parties, indépendamment de leur sympathie pour les protagonistes syriens en conflit et les parties extérieures qui les parrainent.
Mais ce qui est encore plus hideux est le fait que les guerres révèlent des failles dans les idées et les valeurs adoptées et exprimées, que ce soit ouvertement ou tacitement (même à ce niveau, elles sont encore lisibles !) : le racisme qui se manifeste dans la condescendance envers ces« pauvres gens sans défense », la cruauté excrétée à leur encontre, l'exploitation de leur situation sous divers prétextes.
Il est vrai que l'oubli fait partie de la nature humaine, mais il y a quelque chose que nous pourrions décrire comme une « dissociation des similitudes », pour éviter les comparaisons avec la guerre civile libanaise: c’est une « peur » de soi-même plus que toute autre chose... Cela expose au grand jour l'horreur de la guerre civile libanaise qui a officiellement pris fin il y a 25 ans, mais dont les cicatrices sont encore visibles dans les âmes des gens ! La guerre civile libanaise a été clôturée dans le déni, l'amnésie officielle et le rituel folklorique, contrairement à d'autres expériences où les acteurs du conflit se sont attelés au dur travail de reddition des comptes, pour eux-mêmes et pour d’autres, avant une véritable décision de réconciliation et de pardon réciproque. Les exemples, même s’ils sont peu nombreux, existent et ont été largement documentés...
Malgré ce qui semble être une longue effusion de sang et une destruction sans fin visible en Syrie, la guerre finira ! Et, espérons-le, le plus tôt possible, afin d’économiser des pertes, qui sont déjà importantes, et de permettre de se concentrer sur la tâche plus difficile de panser les blessures, qui sont profondes, larges et terribles.
Ceci est un processus auquel les Libanais, ou du moins certains d'entre eux qui ont « pensé » leur expérience, pourraient apporter leur contribution ; humblement, et non pas avec l’arrogance des « donneurs de leçons ». Cette mission est aussi nécessaire que celle consistant à prendre soin des besoins des personnes déplacées, fournissant de la nourriture, des vêtements, un logement, la sécurité, des soins médicaux et une éducation à leurs petits... Autrement dit les droits fondamentaux de l'homme selon toutes les lois de la terre et des cieux.
Cette mission devrait être désignée et définie dès à présent parce qu’elle permettrait l'établissement d'un système éthique de valeurs où il n'y aurait pas de donateurs et de bénéficiaires, donc sans hiérarchie supposée. Cela créerait progressivement un tissu mutuel commun de convictions partagées : l'esclavage et la discrimination fondés sur la couleur de la peau ou l'infériorité des femmes, qui étaient jugés « acceptables » dans un passé pas si lointain, ne sont-ils pas aujourd’hui considérés comme des crimes provoquant la condamnation et du dégoût ? Tel devrait être le sort des guerres !
Cette mission éthique devrait être adoptée comme étant le résultat d’une préoccupation mondiale, de sorte que la question de la demande d'asile ne soit plus agitée comme un épouvantail destiné à « faire peur », essentiellement en Europe... la peur ouvre la voie à d'autres tragédies ici et là, et représente un revers pour l'humanité en général.