Les « rassemblements » de Palestiniens ou l’élargissement des espaces de marginalisation

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Posté sur juin 01 2016 5 minutes de lecture
Les « rassemblements » de Palestiniens ou  l’élargissement des espaces de marginalisation
© UNDP
« Sortir de Syrie nous a finis ».

Cest par ces mots quOum Mohammad nous accueille à larrivée. Je n’étais pas venu pour ça, mais que voulez-vous, lhistoire du Palestinien pourchassé de lieu en lieu, en attendant le retour en Palestine, sinscrit en filigrane sur tous les récits, toutes les situations. Cest la grande errance dont seules les légendes grecques ont ressemblance ; et les mots se taisent devant linexorable vie quotidienne du Palestinien.

Cette histoire, cest aujourdhui celle dOum Mohammad, qui vient tout droit du camp de Naïrab en Syrie avec une famille de cinq, pour habiter Beyrouth, capitale du Liban. Elle y réside dans ce lieu de rassemblement quon appelle « Saïd Ghawache » le Palestinien (situé derrière la Cité Sportive). Un lieu qui nest pas assimilé légalement ou socialement à un « camp de réfugiés ». Il abritait quelque 255 familles palestiniennes, libanaises et syro-palestiniennes, avant de s’élargir de 17 % environ (chiffre du Pnud et UNHABITAT de 2014), après l’éclatement de la crise syrienne, en accueillant environ cent familles supplémentaires.

Cest sous les bombes et les balles des tireurs embusqués, que la famille a fui, attirée là par le fait que des parents à elle sy étaient installés, après lexode de 1948, précise Oum Mohammad. Pour elle, c’était lendroit le plus sûr, le cocon protecteur. Son récit ressemble à beaucoup dautres, de Palestiniens ou de Syro-Palestiniens fuyant une crise qui saggravait, et considérant quauprès de proches, ils trouveraient lhospitalité indispensable en attendant le fameux retour, en Syrie par exemple. Beaucoup de ces réfugiés n’étaient jamais venus au Liban ; beaucoup même ne savaient pas que certains de leurs proches sy trouvaient, mais étaient venus là comme un pis-aller. Car finir dans des « rassemblements » nest pas le plus heureux des sorts. Et lon se rend compte quen termes de misère aussi, il existe des degrés, et que malgré la dureté des conditions de vie quon peut y rencontrer, le camp, où un minimum de services sociaux et autres existent, est un petit paradis comparé aux rassemblements.

Ils sont au nombre de 42, répartis sur la capitale et le reste du pays, la Békaa, le Sud, Tripoli. Ils regroupaient quelque 110 000 Palestiniens, avant la crise syrienne, et 30 000 de plus depuis, selon le projet du Pnud « lamélioration des conditions de vie dans les rassemblements daccueil palestiniens ». Car, contrairement à ce qui se dit, la crise syrienne les a seulement replacés dans lactualité. Et cest peut-être tant mieux, puisquainsi, les conditions de vie de leurs anciens et nouveaux habitants pourrait en être affectée positivement. Sachant par ailleurs que les chances dune amélioration sont minces, et que lafflux de réfugiés supplémentaires pourrait savérer être une véritable catastrophe.

Selon les chiffres de lInstitut des études internationales appliquées de 2003, il sagit de « quartiers situés en-dehors des périmètres des camps où résident au moins 35 familles palestiniennes formant de petites collectivités relativement homogènes ». Les premiers rassemblements datent de 1948. Dautres se sont formés durant la guerre civile (1975-1990), sous la pression démographique dabord, et en raison de la destruction de certains camps. Cest ainsi, par exemple, que se forma le rassemblement Daouk, du nom de Omar Daouk qui, en 1952, mit un bienfonds à la disposition des réfugiés jusqu’à leur retour. (En 1966, ce don fut confirmé par jugement). Mais de toute évidence, le donataire ne pensait pas que cet exil durerait et que 60 ans plus tard, les choses en seraient au même point.

Ces rassemblements ne bénéficient daucun programme de développement ou daide sociale, ni de lUnrwa, ni de l’État libanais. Pour lUnrwa, ils ne sont pas assimilables à des camps. Pour l’État, il sagit de zones urbaines particulières avec lesquelles il faut traiter avec réserve. Les municipalités desquelles dépendent ces rassemblement invoquent souvent le manque de moyens, et lon est en droit de s’étonner quen 2016, des quartiers dune ville qui se veut le « phare » du Moyen-Orient en terme de développement et de civilisation, soient privés deau, d’électricité et de services de voierie ; et où il nexiste même pas de poteaux électriques dont on pourrait drainer du courant. Sommes-nous dans la fable ?

Mais non, une visite aux rassemblements de Daouk, Saïd Ghawache ou Immeuble Gaza suffit à en prouver lexistence, sans compter que des rassemblements abritent, outre les réfugiés de Palestine et de Syrie, des familles asiatiques venues du Bangladesh et du Sri-Lanka, attirées là par la modicité des loyers proche de celle des camps sans compter les prix des denrées de première nécessité qui sont plus abordables que dans les autres voisinages.

Cela dit, il existe un project « damélioration des conditions de vie dans les rassemblements daccueil palestiniens ». Ce projet, qui relève du Pnud, avec le support financier des gouvernements allemand, japonais, suisse et américain, sinscrit dans le cadre du « programme de stabilisation des conditions des rassemblements affectés par la crise syrienne » mis en place en 2013, après lafflux massif de réfugiés fuyant la guerre en Syrie. Couvrant des besoins quaucun autre programme nassure, ces services ont été bien accueillis par les populations des rassemblements, ainsi incitées à soccuper plus « humainement » deux-mêmes.

Grâce à ce programme, et selon les chiffrés officiels, plus de 63 projets dinfrastructure ont été lancés, ainsi que la réhabilitation de 600 logements (reliés aux réseaux de distribution deau et d’égouts), dans 30 des 42 lieux de rassemblements répertoriés au Liban. En outre, plus de 350 emplois ont été assurés à des Palestiniens de Syrie. Enfin, un programme d’éveil à lhygiène a été mis en place, qui a permis la distribution de plus de 5 000 unités dhygiène. En dépit de ce gigantesque effort de lOnu, les besoins restent immenses et, en définitive, cest dun règlement international durable que ces populations ont vraiment besoin. Il est en effet parfaitement évident que ces rassemblements ne sauraient accueillir toutes les familles qui sy dirigent, dautant que cet afflux est appelé à durer, voire à saggraver, dans une crise syrienne dont on ne voit pas la fin.

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