Beyrouth, mon foyer, ma famille ….

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Posté sur juin 01 2016 4 minutes de lecture
Beyrouth, mon foyer, ma famille ….
Chaque matin, je me tiens devant ma fenêtre. Debout, je jette un regard sur les lieux qui m’entourent. Une question que je fuis en permanence me taraude : est-il possible que j’aie pu avoir perdu mon sens patriotique æ

Je pense aux trois ans passés à suivre les nouvelles de la révolution et des martyrs, des attentats, des États qui complotent, de ceux qui bénéficient de la guerre dans mon pays. Je suffoque. Quelle est exactement la définition du sens patriotique ?

Depuis deux ans, jai subitement cessé de suivre les nouvelles. Les mêmes questions ont commencé à me hanter lesprit : est-il possible que je ne sois plus concernée par ce qui se passe ? Est-il possible que toutes ces images relayées par les agences de presse ne m’émeuvent plus ? Est-il possible que jaie pu perdre tout attachement à mon pays ? Il ne me manque plus. Je veux juste préserver « une poignée » de souvenirs de beaux moments que jai vécus là-bas, de peur quils ne soient remplacés par les images de la destruction et des ruines.

Mon nom est Raya. Jai 25 ans. Je suis arrivée il y a deux ans à Beyrouth.

Mon expérience ici na rien à voir avec celle de beaucoup dautres Syriens. Jai limpression d’être chez moi à Beyrouth. Jai eu la chance davoir trouvé du travail sans grande peine. Jai commencé en effet à travailler quinze jours après mon arrivée et joccupe depuis le même poste. La plupart de ceux qui me connaissent savent que je suis la Syrienne qui sexprime avec laccent libanais. Certains ont du mal à croire que je viens du pays voisin parce que mon accent est devenu effectivement libanais. Dautres s’étonnent et me reprochent davoir renoncé au mien. Il marrive de me justifier, mais la plupart du temps, je ne le fais pas.

Ici, jai eu la possibilité de rencontrer beaucoup de gens et de développer des amitiés. Certains amis sont devenus plus proches de moi que ceux qui mentouraient dans mon pays. Cela me procure un sentiment de sécurité.

Joccupe le même poste depuis près de deux ans. En six ans, cest la première fois que cela marrive. Auparavant je ne restai pas plus de quelques mois au même endroit. Ici, personne ne mimportune et je nai pas été confrontée à des comportements racistes, condescendants ou sectaires.

Je trouve souvent des excuses à ceux qui ne cachent pas leur agacement face à la présence massive de Syriens au Liban. Je ne peux pas en vouloir à un pays qui compte quatre millions dhabitants et qui accueille plus dun million de réfugiés syriens.

Je critique ceux qui comparent la guerre de Syrie à celle du Liban et qui rappellent que des Libanais s’étaient à un moment donné réfugiés en Syrie. Je lance une plaisanterie en disant que si les Libanais s’étaient rendus tous lun après lautre en Syrie, ils nauraient pas dérangé les Syriens, tellement est grande la superficie de leur pays, comparée à celle du Liban.

La différence entre la Syrie et le Liban est que mon pays accorde toujours la priorité aux étrangers. Le salaire de ceux qui travaillent en Syrie, quils soient Libanais ou autre, est le double de celui des Syriens.

Ce que je veux dire en définitive, cest que le problème ne se pose pas à notre niveau, nous le peuple, quil soit syrien ou libanais. Cest ce qu’ « ils » nous ont appris et gravé en nous. Ce sont « eux » qui contrôlent nos postes, nos salaires et nos modes de vie, qui nous offrent des opportunités ou qui les donnent à dautres, créant ainsi une différence de classes et favorisant la haine et le racisme entre les peuples et les communautés.

En définitive, je suis arrivée à une seule conclusion : depuis deux ans, je vis ici mes plus beaux moments. Jy entretiens les plus belles relations de ma vie. Jai travaillé et jai peiné ici. Ce « ici » est devenu ma seconde patrie. Une patrie est synonyme de générosité, damour, de sincérité et de bon traitement. Elle nest pas une terre autour de laquelle on se dispute pour la posséder.

Pour finir, je dois dire : Mon foyer, ma famille sont ici… à Beyrouth.

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