Près de 70 ans après l’exode des Palestiniens, la voilà qui reprend le refrain de la crainte de l’implantation mais cette fois face au déferlement des réfugiés syriens.
Certes, l’inquiétude de Beyrouth est aujourd’hui pleinement justifiée au regard du précédent palestinien, qui avait été le détonateur de la guerre civile, d’autant plus que le nombre des nouveaux arrivants est sans commune mesure avec leurs prédécesseurs. Mais a-t-on le droit de réécrire la même histoire ? Les dirigeants libanais n’ont pas leurs pareils pour faire porter le chapeau aux autres en occultant leurs propres négligences. À l’époque, ils avaient laissé la gangrène de la politique infiltrer les camps palestiniens, fermé les yeux sur les armes de tout calibre qui entraient dans les camps au prétexte de la lutte contre Israël, observé dans l’indifférence l’émergence de groupuscules qui se détestaient les uns les autres… jusqu’à constituer un véritable État dans l’État, s’immisçant sans vergogne dans toutes les arcanes de la politique politicienne libanaise.
Aujourd’hui, nos responsables semblent vouloir rejouer la même partition, en reproduisant les mêmes négligences et manquements à l’égard des déplacés syriens : enregistrement chaotique des nouveaux arrivants, conditions rédhibitoires pour l’obtention de titres de séjour, clientélisme et trafic d’influence… sans compter l’erreur stratégique qui a consisté à refuser obstinément la mise en place de camps de réfugiés clairement répertoriés, à l’instar de ce qui a été fait en Jordanie et en Turquie. Le résultat est visible à l’œil nu : multiplication des camps sauvages, absence d’hygiène et infrastructures inexistantes, réfugiés démunis n’ayant droit à aucune aide de la part de l’UNHCR et disparaissant dans la nature.
Il est bien là, le danger de l’implantation ! C’est la somme de toutes ces négligences qui fera qu’au fil des années, la greffe prendra et deviendra durable. Et certainement pas dans un complot chimérique prévoyant une cérémonie officielle de naturalisation, avec distribution de passeports libanais et de petits fours.