Le responsable des camps syriens, un homme de pouvoir qui tient en mains le sort... des réfugiés

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Posté sur juin 01 2016 5 minutes de lecture
Le responsable des camps syriens, un homme  de pouvoir qui tient en mains le sort... des réfugiés
© أنور عمرو
Vous devez avoir son consentement avant d’agir.

Lui seul a le pouvoir de décision dans le camp. Il est là au cas où vous voulez distribuer des aides. Il peut même en priver certaines familles, parce quil estime quelles ne le méritent pas. Parfois, il distribue lui-même les aides et ne vous autorise pas à superviser son travail... même si sa manière de faire nest pas équitable. Bref, il est le chef de l’État de chaque camp. Il en est le responsable et le principal décideur.

Il existe plusieurs façons pour désigner le responsable du camp, comme le fait que celui-ci loue le terrain au propriétaire, quil y dresse des tentes avant de faire venir des réfugiés. Puis, il perçoit le loyer. Il sagit, bien entendu, dun prix qui oscille entre 100 000 et 200 000 LL pour chaque tente. Il va sans dire quune grande part des gains lui revient.

Le responsable du camp peut également être désigné directement par le propriétaire du terrain, sans avoir recours à un contrat de location, avec pour mission celle de superviser la situation dans le camp. À cet effet, il jouit de prérogatives absolues qui lautorisent à agir vis-à-vis de quiconque. Ainsi, il a le droit de chasser quelquun du camp, de lautoriser à y rester, de lui acheminer des aides, etc.

Zaher est un jeune Syrien qui fait du volontariat. Souvent, il a des difficultés à distribuer les aides dans certains camps, parce que le responsable des lieux ne lautorise pas à le faire, et ce pour de multiples raisons. « Les causes diffèrent dun camp à lautre, explique-t-il. Certains responsables exigent de recevoir le quart des aides, quitte à distribuer le reste aux habitants du camp. Évidemment, ces derniers nont pas le droit de protester. Je refuse et je recours à un subterfuge. Ainsi, jattends les habitants de son camp dans un autre camp pour leur donner les aides. Dautres responsables insistent à distribuer eux-mêmes les aides, et se livrent par conséquent à une discrimination entre les habitants, allant même, selon leur humeur, à priver certains dentre eux des aides. Je refuse donc de confier aux responsables des camps les aides. »

La politique visant à contrôler le destin de nombreuses familles déplacées ne se limite pas aux plus âgés dentre elles, mais englobe les enfants aussi. À Bar Élias, dans la Békaa, au Liban, le responsable dun camp avait interdit aux enfants de se rendre à l’école qui s’était engagée à assurer un enseignement gratuit à tous les enfants qui la fréquentaient. Ces enfants ont ainsi été obligés daller dans une autre école payante pour étudier, sachant que le responsable du camp percevait une partie des scolarités payées par les élèves.

Nombreuses sont les histoires relatant les excès des responsables des camps syriens. Nombreux sont aussi les témoignages que les habitants des camps craignent de partager publiquement, de peur d’être expulsés. Eux, qui avaient fui la guerre, lenfer syrien et les détentions et qui se sont révoltés contre cette situation, se retrouvent aujourdhui sous la coupe dun autre pouvoir qui exerce le même rôle, mais sous le label du « contrôle des aides ».

Ici, ils ne peuvent pas se révolter ni se rebeller. Ils doivent au contraire sadapter à la situation présente. Les habitants des camps sont témoins de la discrimination lors de la distribution des aides. Ils sont aussi conscients du fait que le responsable du camp est le principal décideur de la légitimité de leur présence dans le camp. Bien quils soient conscients de ses outrances à leur égard, ils préfèrent garder le silence. Ils évitent den parler à la presse. Lorsquils sont interrogés sur le rôle de ce responsable, ils répondent dans la majorité des cas : « Nous devons supporter et patienter, jusqu’à ce que nous puissions rentrer en Syrie. Nous nous trouvons aujourdhui dans une position de faiblesse et nous ne pouvons pas réclamer nos droits. Mais lorsque nous rentrerons, nous prendrons la décision adéquate ».

Le responsable du camp sait que les habitants des lieux sont sans défense. Il sait aussi que rien ne peut les protéger de son despotisme. Au contraire, dans certains cas, il use de ce pouvoir à des fins personnelles. En effet, dans lun des camps de Tripoli, au Liban, le responsable a privé tous les enfants denseignement parce que lun des établissements scolaires avait refusé de lui verser la somme de 8 000 dollars. Lorsque lun des parents a protesté, il la menacé de le livrer aux autorités libanaises sous prétexte de ne pas posséder des papiers officiels, en loccurrence dun permis de séjour au Liban, ce qui lui faisait courir le risque de longues années de prison. Il est connu que la majorité des réfugiés syriens ne possèdent pas des permis de séjour en raison des procédures difficiles à suivre et de la valeur élevée des garanties exigées.

Malgré tout ce qui a été dit, certains habitants des camps font l’éloge du responsable. Et ce en raison, prétendent-ils, de son bon caractère, de sa gestion correcte du camp, de la manière juste dont il les traite et du fait quil distribue les aides (financières et alimentaires) de manière équitable. Malheureusement, ces habitant constituent une minorité quon peut compter sur les doigts dune seule main, à lombre dune politique générale dont sont victimes les réfugiés syriens.

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