A partir de la moitié du vingtième siècle – appelée deuxième période – le théâtre syrien a connu des moments de gloire dont plus personne ne se souvient parmi les deux publics de la guerre en Syrie : « Les gens des cavernes » de Fawaz Saher, « Une soirée avec Abi Khalil Kabbani » et « Oubliez Érostrate », soit des dizaines d’œuvres composées, enflammées par l’inquiétude qui s’est emparée des civilisations, et d’autres qui sont, quant à elles, le fruit de tentatives d’emprunter ou de donner une certaine lecture d’éblouissantes compositions théâtrales glanées à travers le monde. L’expérience du théâtre al-Chawk s’inscrit dans ce cadre. La compréhension du monde du théâtre syrien aussi. Des tentatives soutenues d’institutionnaliser le monde du théâtre ont été menées. Nous avons ainsi assisté à l’édification de plusieurs immeubles et bâtiments.
Le théâtre s’est développé sur la base de l’interprétation que le pouvoir donne de la réalité, du terrain. La différence entre les deux est cependant énorme. Les plateaux se sont faits l’écho de la réalité, au même titre que les récits narratifs mais plus personne ne s’en souvient, parce que le rapport à l’environnement ne se limite plus aux tendances à embellir les pratiques modernes. Le bruit de la guerre a dominé toutes les tentatives d’analyser les rapports du passé au présent dans la mesure où celui-ci s’inscrit dans le prolongement du premier. La Syrie s’est appropriée la genèse du théâtre en multipliant les adaptations, avec le « théâtre national populaire », le « théâtre ambulant » et le « théâtre ouvrier ». Plus personne ne s’en souvient parce que les cinq ans de guerre ont poussé les artistes dramaturges non pas à développer leur créativité narrative sur scène, mais à l’emporter vers d’autres contrées. Une partie du monde du théâtre s’en est allée vers d’autres pays, d’autres rives et d’autres langages, dans ce qui semble être comme des préparatifs à l’arrivée d’autres figures théâtres, qui suivront ceux qui les ont précédées, tant que la guerre durera. Il n’y a de pas quoi paniquer, cependant, n’était-ce la vue de ces bonnes gens, aux rêves brisés, soucieuses de subvenir à leurs besoins dans des contrées éloignées.
Depuis leur arrivée au Liban, les artistes dramaturges syriens ne cessent d’élargir leur présence au lieu d’introduire des changements radicaux à la règle du jeu. La présence théâtrale syrienne continue de s’inscrire dans le prolongement de sa présence passée au Liban, durant la guerre, en ce sens que cet élargissement s’est réalisé sans que des réponses ne soient apportées à des questions pourtant fondamentales. Cet art a été considéré comme un phénomène linguistique, un phénomène qui ne suscite l’enthousiasme que de ceux qui ont accumulé les remords et qui vont à la quête de débris de rêves avortés et de temps volés. Il n’y a rien de saillant en dehors de cette vérité.
Certains Libanais ont contribué à détourner certains dramaturges syriens des concepts établissant une distinction entre les dimensions esthétiques de l’art et d’autres, sociale notamment. Les alignements ont entraîné le théâtre syrien loin de la quête d’un nouveau langage visuel, esthétique, capable de modifier la compréhension arabe de cet art. Il n’y a aucune exagération dans cela, du moment que nombreux sont ceux qui assurent que la présence théâtrale syrienne au Liban, au cours des quatre ou cinq dernières années, a permis une exploitation des planches, comme moyen d’expression, dans le cadre du conflit en cours en Syrie. C’est le langage du public qui a été mis en valeur sur les scènes, non celui de l’art ou de l’artiste. De la sorte, le théâtre est devenu un genre d’espace public, fixe, qui ne se libère pas du piège du populisme. Le public est composé des gens d’un même quartier et non pas de plusieurs quartiers.
La pièce « Je ne m’en souviens plus », de Waël Ali, a enfermé la créativité à la surface des mouvements extérieurs. L’impression qui s’en est dégagée est qu’on s’apprêtait à écrire la biographie d’un homme qui s’est opposé au pouvoir au cours des dernières années ; un ancien détenu qui narre une arrestation et une expérience en prison, loin de la créativité propre à tout dramaturge qui aspire à une symbiose avec le public. C’est que le public est déjà prêt : une pièce d’opposant pour un public d’opposants.
D’aucuns ont réalisé, une fois à l’intérieur du théâtre Tournesol, que le concept que les Européens donnent au « théâtre » n’existe plus. D’autres ne l’ont pas compris parce qu’ils se sont identifiés au récit, comme s’ils étaient installés chez eux ou dans leurs lieux de rencontre habituels. Un public sur la scène, et non pas dans la salle, a entouré l’ancien détenu. Ce dernier n’a pas relaté son récit ni celui de ceux qui l’avaient soutenu à l’époque, parce qu’il n’a pas arrêté de répondre aux questions d’un homme aux orientations politiques claires, qu’il a confirmées d’ailleurs en rappelant au public, à travers des photos et un diaporama, des événements que cet homme, tranquille et légèrement agacé par l’attroupement des gens autour de lui, a vécus. Ce dernier était tout aussi agacé par la nature de la relation entre lui et celui qui veut gagner la confiance du public au fur et à mesure que ses failles, celles du narrateur, apparaissaient. Il n’y avait pas matière à interprétation parce que le théâtre a permis à la politique pure d’occuper une scène dont le langage a été puisé dans un ouvrage de guerre, de mort, d’assassinats, de destructions et de démembrement. La présence de l’homme était lourde. Il baragouinait plus qu’il ne racontait parce que le récit, dans ce cas, n’était pas libérateur mais servait à orienter la parole vers un espace déterminé, un labyrinthe politique à travers lequel nous avons rapidement entrevu un spectacle fragmenté et non pas des actes d’un spectacle unifié comme dans un « Hyde Park ».
Le théâtre Tournesol est l’un des piliers «des pièces d’opposition» permettant au spectacle d’atteindre sa dimension populaire, à partir du moment où le public participe au dialogue. Rien de plus. Cela n’a rien à voir avec la curiosité. La relation entre le théâtre et la pièce est fondée sur la nécessité politique, une nécessité qui autorise une correspondance entre l’équipe de travail et la direction du théâtre.
Le spectacle n’a pas eu droit à l’aventure que constitue le jeu sur scène parce qu’il s’est heurté au déséquilibre au niveau du concept de l’identité nationale, auprès des Libanais. Le message du frère devient celui des deux frères, même s’il reste unique. Le doute s’amplifie parce que les mines semblent se multiplier au lieu que les anciennes ne soient désamorcées. C’est ainsi qu’apparaissent les pièces syriennes aux Libanais : des expressions tendues, tronquées et des actes fragmentés. Le théâtre syrien tombe dans la culture d’ombre libanaise, devient une ruine sans essence et sans trame, parce que les dialogues de vie – la joie de faire du théâtre s’assimile à un dialogue de vie – se sont interrompus depuis que les opérations de réparation de l’âme humaine ont commencé à ressembler aux opérations de chirurgie plastique en cours. Il n’y a plus de réseaux de lecture des œuvres créées parce que la lecture se limite à la réalité telle que perçue par l’auteur du spectacle ou de la pièce : une réalité liée au cadre strict d’un pays en guerre, le sien. Le directeur est occupé à déterminer les orientations au lieu de se fier à la boussole qu’est la créativité. Certains ne savent pas rester tranquilles. C’est ainsi que des informations ont circulé au sujet de menaces adressées à la direction du théâtre Tournesol, qui insistait pour présenter la pièce « Je ne m’en souviens plus ».
Il y a eu un signe révélateur, dans ce contexte. Celui-ci s’est manifesté par l’initiative d’un site d’information électronique qui m’a proposé de rédiger un article à propos de la pièce de Waël Ali, avant de me demander de m’occuper d’une autre, parce qu’une journaliste syrienne opposante, parmi l’équipe du site électronique, avait insisté pour la commenter elle-même, après avoir pris connaissance des éloges des opposants. Le site a publié les deux articles (le mien et celui de ma collègue syrienne) à quelques jours d’intervalle. Cela n’avait rien d’étrange puisqu’un sentiment d’amour liait ma collègue à la pièce syrienne alors que mes rapports avec celles-ci étaient aigres-doux.
Ma collègue a insufflé ses positions politiques à l’atmosphère de la pièce, ce qui a donné lieu à deux positions identiques. Cette analogie a provoqué des remous qui ont occulté les rares éléments artistiques de la représentation. Le résultat a été une pièce qui se voulait une alerte et une critique qui n’en n’est pas une, ce qui en somme a donné lieu à un chaos remarquable. Normalement, le théâtre rend service, mais ici il offre du poison et ne fait qu’épingler l’autre, en imprimant et en publiant des listes longues d’accusations. La pièce n’est plus un événement, mais une occasion. Le monde de la critique est devenu, à partir de ce moment, un amalgame d’idées primaires à l’ère des produits numériques actifs, des idées qui restent sans influence sur le théâtre, aux niveaux intellectuel, culturel, historique et politiques. Le théâtre devient sans vie.
Les représentations théâtrales syriennes ont choisi chez nous de se barder de puissance politique. Tout être humain est un étalon politique au Liban. Le théâtre n’y trouve plus sa place. Il n’y a plus de profondeurs à sonder. Le théâtre est une surface plate. Une partie des Libanais s’est mobilisée pour assurer, stratégiquement, la présence d’un certain théâtre syrien au Liban, une présence existentielle qui n’a de rapport qu’avec l’éducation du Libanais dont la composition chimique fait qu’il est toujours prêt à former des ensembles réactionnaires. La chimie entre « certains » et d’« autres » (Libanais et Syriens, Libanais et Français, c’est idem) est possible tant qu’il y a un demandeur et que les deux parties sont d’accord. Tous propos relatifs à un racisme libanais restent sans fondement. Pas de racisme. Ce problème se pose ailleurs qu’au théâtre.
Ni pour ni contre
Hanane Hage Ali, épouse du dramaturge Roger Assaf, fondateur du théâtre Tournesol, défend des positions politiques bien claires, des positions qui consolident celles des artistes dramaturges syriens, à travers la présentation d’œuvres aux notions militantes, sans cumul qualitatif. Celles-ci représentent le fondement d’une Histoire nouvelle. La question est sensible et beaucoup n’osent pas l’aborder. La réponse n’est jamais garantie, en raison de la peur. Personne ne partagera ses pensées et ses projets avec d’autres, de peur des conséquences. Ghassan Massoud a expliqué ce phénomène par la chute de l’artiste syrien, toutes appartenances confondues, durant la guerre en Syrie. La guerre a porté un coup fatal à ce dernier. Pas de tests d’identité pour les Syriens qui font passer leur identité politique avant leur personne.
Lorsque j’ai interrogé Hanane Hage Ali à propos de certains dramaturges syriens, elle m’a orienté vers le chargé de programmation au théâtre Babel, où d’autres pièces syriennes ont été jouées. Dans ce théâtre de la rue Hamra, face à l’hôpital de l’Université américaine, Mohammad Issam Kaddour, un jeune homme calme, poli et prudent, assume une permanence. Ce jeune homme aux cheveux bouclés assure que les pièces jouées sur son plateau ne sont ni pour ni contre le régime de Damas et ni pour ni contre l’opposition syrienne. C’est ce qu’il faut dire en ces temps difficiles. Les théâtres sont de parti pris, il est vrai, mais ils font tout pour survivre, à cause de la crise économique. Les influences sont présentes mais elles restent limitées. Leurs contours ne sont pas clairs parce que les pièces syriennes ne sont pas très nombreuses au Liban. Les productions théâtrales libanaises le sont beaucoup plus. Certaines viennent en aide à leurs auteurs en reflétant leurs appréhensions, ce qui n’est pas le cas pour d’autres. Les représentations syriennes n’aident pas trop les dramaturges syriens parce que la réalité syrienne est différente de la réalité libanaise. Elle n’est pas dotée de la curieuse constance libanaise. Les pièces libanaises abordent la réalité avec un quiétude et une patience étonnantes.
Parler avec Mohammad Kaddour relève presque de l'opération chirurgicale. Il défend avec beaucoup d’émotion Hanane Hage Ali. Les propos que chacun des deux tient à propos de l’autre semblent offrir une nouvelle naissance pour chacun des deux. Je n’ai pas révélé à Kaddour que Hanane m’a orienté vers lui. Le jeune homme assure que Hanane est une « responsable d’orientations ». Une institution syro-libanaise à la tête d’une institution syrienne. La finalité de la relation entre les deux est, ici, symbolique et induit un positionnement en même temps symbolique et matériel, qui à la longue va générer une harmonie mais aussi beaucoup d’émotions.
Les dramaturges syriens n’ont pas été influencés par l’expérience libanaise, sauf au plan technique qui n’est pas mis en relief à l’Institut supérieur des arts dramatiques à Damas. Celui-ci est réputé pour ses méthodes destinées à former les acteurs et les metteurs en scène, mais il ne permet pas au dramaturge de maîtriser la magie technique : la sonorisation, l’éclairage et la scénographie. Les créateurs syriens ont acquis cette magie grâce à leur présence au Liban, assure Kaddour. Les spectacles syriens présentés dans ce pays s’ajoutent toujours à la liste des réalisations syriennes. Chaque pièce de théâtre relève d’un conte de fées. Tantôt il s’agit de Cendrillon qui pourrait un jour épouser son prince, tantôt Cendrillon reste célibataire et malheureuse.
On ne trouve pas ce qu’on appelle les susceptibilités libanaises dans les productions théâtrales syriennes. Au contraire, le Libanais joue le rôle de catalyseur des opérations et non pas d’amélioration de la vision théâtrale, sauf sur le plan technique qui n’est pas parfait en Syrie.
Certaines institutions et instances financent les spectacles en relation directe avec la guerre en Syrie : « Ittijahate », « Afak », « Al-Mawred al-Thaqafi ». Les propos de Kaddour sont dénués d’émotion. Il s’agit d’une énumération. Le théâtre Babel n’a ouvert ses portes qu’aux représentations neutres, dont « Au-dessus de zéro », d’Oussama Halal. Il s’agit d’une lecture en six actes de thèmes devenus célèbres durant les événements : le mariage des mineurs et les exécutions sommaires. Un mélange de drame et de danse contemporaine. Il y a eu aussi, « Si tu peux regarder la caméra », une pièce mise en scène par Omar Abou Saada et jouée par Iham Agha ; « Pour un oui, pour un non », mise en scène et jouée par Majd Fedda.
Le théâtre a une finalité économique. Babel est menacé de fermeture. Le public libanais de théâtre limite sa présence aux premières. Babel a ouvert ses portes aux pièces syriennes et libanaises. Plusieurs pièces libanaises y ont été présentées : Mama de Marc Khoreiche, Vénus de Jacques Maroun et d’autres. C’est l’économie qui fait tourner le théâtre. Rien n’existe en dehors de l’économie.
Kaddoura n’a pas oublié de s’arrêter sur la Fondation de la citoyenneté qui relève de Omar Gebaii. Celle-ci finance les représentations théâtrales syriennes ouvertement engagées dans une opposition au régime et qui ne font pas dans l’allusion. Des représentations du genre Underground, Hyde Park ou Bordel clandestin. Il n’y a rien de péjoratif dans cette dernière comparaison. Ce sont des représentations qui attirent et qui rassemblent le public, dans les périphéries de Beyrouth et dans d’autres villes ou villages.
Le théâtre syrien ne se développera pourtant qu’en Syrie, dans une ville syrienne. Sa présence au Liban ou ailleurs restera faible, mais non pas en Syrie. Le théâtre est urbain. Son positionnement demeure symbolique à partir du moment où il s’éloigne de Damas, de Homs, de Hama ou d’Alep. Pas d’influences. Pas de partenariats influents. Certaines personnalités n’hésiteront pas à fournir de l’aide. Une aide limitée : assurer des salles pour les répétitions gratuitement ou en contrepartie d’une somme symbolique. Les directeurs de théâtre ne reprendront pas à leur compte les représentations syriennes. Le théâtre est un jardin et non pas une demeure. Une pièce de théâtre vieillit un ou deux jours après sa présentation parce qu’elle se déroule dans un trou et non pas dans la vie. Les œuvres ne cesseront de s’accumuler.
Oussama Ghanem a présenté plusieurs pièces, comme « Le dernier ruban », « Les deux émigrés » de Samer Omaran, « Les petites chambres » de Waël Kaddour, « Le centre » de Sari Moustpha, « La fenêtre » de Omar Gebaii. « Pour un oui, pour un non » a réuni des acteurs libanais et syriens dans une communauté de voix, engagée pour atténuer l’impact de l’éloignement. Plusieurs spectacles permettent aux associations, aux institutions et aux Fonds internationaux de travailler. Mais ils restent des spectacles pauvres. Il y en a eu un au Akkar, un autre à Saïda et un troisième à Beyrouth, ainsi que des représentations théâtrales ou autres, tel que le concert « Merci Liban », à Babel, ou « Spectacle de couteaux » qui est le fruit d’un autre partenariat entre des amateurs libanais et syriens, présenté à Marjeyoun. Ou encore une pièce de théâtre présentée par 60 enfants syriens dans un des villages de la Békaa, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants. Le metteur en scène se soucie peu de l’identité du public, qu’il soit syrien, libanais, jordanien ou irakien. Il n’oriente pas son œuvre vers un public déterminé. Beyrouth est adéquate. Le Caire est trop grand alors que Amman n’offre pas un environnement accueillant.
Membre de la troupe libanaise de Zoqaq, Hachem Adnane constate une résistance libanaise aux œuvres des artistes syriens. Il fait état de racisme et affirme que des Syriens (qui ont requis l’anonymat) voient dans Beyrouth un piège. Il n’y a pas d’espace libre à Beyrouth. Beyrouth est dure. Elle n’aime personne et ne fait confiance à personne alors qu’elle ne cesse de demander aux autres de lui exprimer leur admiration et leur amour. Certains d’entre eux ont émigré. D’autres ont regagné la Syrie et d’autres encore oscillent entre Beyrouth et Damas, comme le metteur en scène Omar Abou Saad. Ce dernier est venu avec sa dernière pièce, « Antigone », au Liban, après l’avoir présentée à Damas. Puis il est rentré avec elle dans la capitale syrienne. Au théâtre al-Madina, cette pièce a relaté la tragédie syrienne comme un acte infini. Raafat Zakout a présenté « Touta touta, le chant lyrique a commencé », Waël Kaddour est l’auteur du « virus », Farès Zahabi celui du « Vent », Adnane Aoudé celui « Des géants et l’écrin à khôl » et Yam Machhadi celui de « Paris à l’ombre ».
Des dizaines d’autres artistes syriens installés au Liban n’ont pas en revanche manifesté leur présence à travers des productions théâtrales, comme Ghassan Massoud, Abdel Menem Amayri, Amal Arfa, Jamal Sleiman et d’autres. Non pas parce qu’ils sont fidèles aux œuvres télévisées mais parce qu’ils réalisent que le théâtre syrien est un visiteur et rien de plus. Il reste une branche d’un théâtre et non pas son quartier général alors que les œuvres télévisées favorisent une cohésion beaucoup plus que les pièces de théâtre.
Les représentations théâtrales ne réaliseront pas de miracles et le théâtre ne cessera pas de vivre, mais beaucoup ne trouveront pas ce qu’ils cherchent dans les productions théâtrales itinérantes. Ils n’y trouveront pas leurs vies. Il s’agit d’une présence corporelle dénuée de toute adhésion à un pacte. On reste dans les coins. La pièce de théâtre ne permettra pas de restaurer un miroir brisé. Les deux parties ne pourront pas sceller une entente. Les portes ne s’ouvriront pas. Les journaux libanais réagissent aux pièces jouées en Syrie avec l’enthousiasme de celui qui veut avoir une réaction mais ils ne réagissent pas de la même façon à celles qui sont jouées au Liban. Ceci est un signe fondamental. Les journaux ont vaguement conscience de ces pièces qui ne durent pas longtemps. Plus elles restent longtemps en dehors de la Syrie, plus elles s’affaiblissent. L’équilibre est perdu d’autant qu’un de ses aspects est que des Syriens ont profité des relations que certains Libanais entretiennent avec leurs propres médias. Ils ont appris des techniques qui permettent de déchiffrer le mystère des relations avec l’autre au théâtre et en dehors du théâtre. Les pièces sont restées au stade de slogans et non pas d’un appel. La différence entre les deux est énorme.