La société libanaise souffrirait de divers maux ; elle présente notamment des zones d’ombre dans sa mémoire collective qui n’ont jusqu’à présent pas été traitées et qui l’empêchent de tourner la page de la guerre civile. Elle présente aussi une polarisation politique dont il est difficile de se débarrasser actuellement.
Ces facteurs ne permettent pas à cette société de relever l’immense défi créé par le flux de réfugiés syriens dont le nombre dépasse le million. Ainsi, la faille dans la gestion de la crise est compréhensible, surtout si on compare le Liban à des pays qui le dépassent de loin en matière des possibilités économiques, géographiques et humaines, et en termes d’infrastructure administrative. Malgré cela, ces pays font face à diverses difficultés en ce qui concerne le traitement du dossier des réfugiés. Cela est visible actuellement dans certains États européens.
Le vide laissé par l’État libanais suite à son incapacité à gérer les problèmes a ouvert la voie à de nombreuses associations civiles pour travailler dans divers domaines relatifs à ce dossier. Ce vide a aussi permis aux ONG d’élargir leurs champs d’action en ce qui concerne les aides d’urgence et les droits de l’homme. Il leur a aussi donné la possibilité de créer des liens entre les deux communautés, la collectivité libanaise hôte et celle des réfugiés syriens, alors que la situation politique et sécuritaire que traverse la région n’aide pas dans ce cadre.
Certaines administrations libanaises ont procédé au traitement de quelques aspects des problèmes auxquels font face les réfugiés. Cela s’est fait après une longue absence officielle vis-à-vis de ce dossier. Divers facteurs avaient contribué à cette absence, notamment l’aide internationale insuffisante et la mauvaise planification locale.
En ce qui concerne le dossier éducatif, à titre d’exemple, avec le début de l’année scolaire 2015-2016, l’inscription des enfants à l’école publique libanaise jusqu’à la classe de 4ème est devenu gratuit, pour les élèves libanais et syriens (cette inscription annuelle incluait auparavant plusieurs frais).
Une telle mesure a permis l’inscription à l’école publique d’environ 200.000 réfugiés syriens, âgés entre trois et quatorze ans. L’année dernière leur nombre était de 106.000.
Une initiative de ce genre, comme d’autres initiatives officielles, présente encore des lacunes qui se caractérisent notamment par le manque d’intégration de personnes productives syriennes dans le processus économique. Dans ce cas, on parle des enseignants syriens. L’enseignement dans les écoles publiques, aux élèves libanais et syriens, se fait à travers des enseignants libanais uniquement.
Cette initiative éducative est le fruit de la coopération entre le ministère libanais de l’Éducation d’une part, et l’UNHCR et l’Unicef, relevant de l’Onu, de l’autre.
Il convient de signaler qu’au cours des quatre dernières années, juste après le début de la crise en Syrie et l’arrivée de réfugiés de ce pays au Liban, de nombreuses ONG libanaises ont déployé des efforts pour colmater la brèche, provoquée par la quasi-absence de l’État, selon les possibilités qui se présentaient.
Ainsi, l’association syrienne Joussour (Ponts) a coopéré avec des écoles libanaises (telles que celles relevant de la Fondation caritative al-Makassed) afin d’assurer les besoins en éducation de centaines de réfugiés. Cette même association syrienne a ensuite travaillé sur le plan international, coopérant avec des universités prestigieuses comme l’Université de Cambridge au Royaume Uni, qui assure une bourse universitaire annuelle dans le cadre de cette coopération.
Dans le domaine de la défense des droits de l’enfant, des ONG locales ont œuvré à relever les défis qui sont relatifs notamment aux mauvaises conditions de vie des réfugiés et aux traditions sociales qui limitent l’épanouissement des enfants.
Ces ONG ont mis en place des programmes visant à créer un environnement favorable à l’interaction positive entre les Libanais et les Syriens. Les programmes étaient basés sur l’intérêt commun des deux communautés étant donné que les réfugiés côtoient au quotidien les collectivités hôtes.
Parmi ces programmes, citons une initiative prise par l’association libanaise « Himaya » qui fournit un soutien psychologique et social aux tous petits victimes de violence et cela dans le cadre d’activités destinées aussi bien aux jeunes libanais qu’aux jeunes syriens.
En parallèle, dans le cadre de l’aide en matière de santé et d’hygiène, des associations locales parrainent des programmes visant à assurer l’eau et à se débarrasser des eaux usées ; elles s’occupent de tout ce qui est connu sous l’appellation WASH (Water, Sanitation and Hygiene, soit en français eau, assainissement et hygiène). Ce sont à la fois les Libanais et les Syriens qui bénéficient de ces programmes.
Citons également dans ce cadre l’association Amel qui soutient, en plus des activités en matière d’aide d’urgence et d’éducation, des projets relatifs à l’eau dans des localités libanaises où Libanais et Syriens vivent côte-à-côte.
Dans le cadre de la réhabilitation des infrastructures, des ONG locales, telle que Utopia qui fait participer des Libanais et des Syriens à des ateliers visant à améliorer les quartiers dans lesquels ils vivent, ainsi que les routes qu’ils empruntent au quotidien. Cette association œuvre également à embellir les anciennes lignes de démarcation entre Bab el-Tebbané et Jabal Mohsen à Tripoli. Dans le contexte éducatif, des associations comme Tawassal (Communiques) œuvre à développer les talents des Libanais, des Syriens et des Palestiniens, et cela en créant des plateformes de communication communes à ces trois groupes de population.
En ce qui concerne l’environnement, certaines associations aident à la gestion et au recyclage des déchets dans les zones peuplées par des réfugiées syriens. C’est le cas d’Arc-en-ciel, une association locale enregistrée au Liban et en France.
Parmi les associations qui présentent un important éventail d’activités, citons la Fondation Makhzoumi, qui se trouve sur le terrain pour assurer des aides en matière d’urgence, parrainer des projets sanitaires et de développement et dispenser des stages de formation technique aux Libanais et aux Syriens, encourageant ainsi la mixité entre les deux collectivités.
Ce que nous venons de présenter n’est qu’un échantillon des associations libanaises qui travaillent en coopération avec des organisations internationales comme l’UNHCR, le Pnud et l’Unicef relevant des Nations Unies.
Il existe aussi des associations libanaises qui travaillent conjointement avec l’Union européenne ou avec des pays européens et cela à travers des instances spécifiques de ces pays. Ces cas se présentent par exemple avec le DFID britannique (Department for international development – département du développement international) ou le GIZ allemand (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit – Département allemand pour la coopération internationale).
Il y a également des associations libanaises qui travaillent conjointement avec des ONG internationales comme Save the Children et Médecins sans frontières.
Ces associations revêtent de l’importance car elles sont avant tout des formations locales qui fournissent de l’aide en matière d’éducation, de santé, d’environnement, de développement, d’assistance psychologique et de soutien social ; elles aident à construire des ponts entre les Libanais et les Syriens et à renforcer les liens entre les deux groupes.
Notons que les organisations onusiennes, dans les crises qui s’étendent dans le temps comme c’est le cas pour la Syrie, affectent une partie de leurs ressources et de leur assistance aux ONG afin qu’elles soutiennent et œuvrent au développement des communautés hôtes et cela tout en venant également au secours des réfugiés.
Malgré toutes les critiques – dont certaines sont biens fondées – qui avancent que la croissance du phénomène des ONG, leur financement et les modalités de leur travail pourraient contribuer à l’affaiblissement et à l’érosion du rôle de l’État (et cela se dit aussi sur le plan international), il n’en demeure pas moins que ces associations sont devenues indispensables pour faire face aux besoins humanitaires de notre monde actuel.
Au Liban, avec le déséquilibre qui touche les services de l’État et des administrations publiques et avec le poids des plaies sociales qui se sont accumulées au fil des ans, les ONG jouent un rôle primordial. Le plus important est celui d’avoir un impact à long et moyen terme sur le rapprochement entre les communautés hôtes libanaises et les réfugiés syriens et cela à travers les projets qu’elles mettent en place, malgré les circonstances difficiles et la tension ambiante.