Le spectacle «Sakakine» (poignards en langue arabe) est né à la suite de débats exhaustifs menés dans le cadre d’ateliers de travail supervisés par un «réseau groupes de jeunes», qui a tenu à faciliter et à diriger les discussions entre ses membres et ceux de la commission syrienne. Celles-ci portaient sur les différents aspects du quotidien des citoyens libanais et des déplacés syriens sur les plans économique, sécuritaire et social. Ce spectacle est donc le fruit des efforts déployés par des dizaines de jeunes libanais et syriens qui se sont rencontrés et parlé à cœur ouvert, appelant les choses par leur nom, sans détour. Ils se sont entendus à reconnaître la vérité : il existe des poignards en Syrie, ainsi que des poignards dans le ventre mou du Liban.
Tout le monde s’est mis d’accord pour que l’écrivain décrive ce qui se passe au Liban et en Syrie à la manière d’une spirale d’où on ne peut sortir que par un dialogue franc et par la paix.
La dernière scène du spectacle évoque cette spirale à travers une danse collective, plus connue sous le nom de «al-Moulawi». Dans ce genre de performance, le danseur ou le joueur tourne sur lui-même comme les aiguilles d’une montre qui ne s’arrête que si on en retire les batteries ou qu’on remplace les aiguilles par des colombes de la paix…
En écrivant le texte, des voix se sont élevées tant du côté libanais que syrien pour ce qui est des droits et des devoirs… La partie syrienne a ainsi réclamé qu’elle soit mise à pied d’égalité avec les Libanais si pour une raison quelconque les rôles devaient être inversés. De leur côté, les Libanais se sont plaints de la concurrence exercée par la main d’œuvre syrienne dans différents domaines, jusque dans les feuilletons syriens. L’histoire veut que tout le monde se soit référé auprès du «réseau des groupes de jeunes». Ils ont également apprécié les avis et la participation active de journalistes locaux, d’artistes professionnels parmi leurs connaissances ou amis, et des hommes de lettres, au nombre desquels l’auteur de ce texte, qui a proposé, comme solution, de tourner sur soi-même dans une tentative de représenter une réalité et de dire la vérité sur la souffrance des deux peuples, avec une narration complète de ce qui se produit entre eux publiquement ou en coulisses. Tout cela afin d’aider à sortir de l’impasse commune des poignards, imposée d’ailleurs aux deux peuples.
Il va sans dire que les discussions autour de «Sakakine» se sont transformées au fil du temps en échanges francs, puis en éclaircissements et questionnements – qui ont par la suite évolué en rapports d’amitié entre Libanais et Syriens – notamment sur la question de la coexistence syro-libanaise. Cela ne s’est pas limité aux seuls participants, mais a englobé aussi l’ensemble des déplacés dans les régions du Liban-Sud.
Il convient de préciser dans ce cadre que les villages de Jdeidet Marjeyoun, Khiam, Qlayaa, Kfarkilla, Kfarchouba et Ebel el-Saqi ont leurs spécificités dans les modalités de la vie quotidienne. À cela s’ajoute le fait que chacun de ces villages a son propre point de vue sur les plans social et politique. Partant de ce fait, les participants ont essayé de discuter des moyens de vivre au quotidien et des habitudes de chaque groupe, ce qui a permis d’aboutir à des solutions acceptées par les deux parties.
Le village d’Ebel es-Saqi, à titre d’exemple, est connu pour la particularité de ses jeunes. En tant que village du sud, on sait aussi qu’il héberge une faible présence syrienne sur son sol. Néanmoins, la diversité des participants à ce travail a créé un nouveau climat et une série de rapprochements au cours des soirées et rencontres au point de mener à des discussions quotidiennes, même à caractère politique, en toute franchise et compréhension et de mettre en évidence ce qui était méconnu des deux parties.
En somme, de nouvelles amitiés ont été créées, et des visites familiales et autres rencontres se sont poursuivies jusqu’à la rédaction de ce texte. Ce travail a également ouvert des moyens de coopération dans les différents secteurs, surtout économiques.
Le simple fait de se côtoyer dans le cadre d’un même travail a ouvert la voie à des amitiés et des discussions franches qui aboutiront, sans aucun doute, à faciliter la coexistence entre Libanais et Syriens. Celle-ci est passée des jeunes à leurs familles et même à leurs enfants.
La formation à l’écriture des textes, aux techniques du spectacle y compris la lumière, le son, les effets, la musique et l’usage du studio en plus des règles de représentations, d’allocutions et même de chant, figuraient à l’ordre du jour des ateliers de formation au théâtre, dans une tentative sérieuse de laisser un impact positif dans l’esprit des participants et de donner la chance, notamment aux déplacés syriens, d’exprimer leur avis humanitaire, loin de la politique.
En fait, «Sakakine» est une tentative modeste de tendre une main libanaise, même à travers le théâtre, afin d’aider à sortir, ne serait-ce que psychiquement, de la crise syrienne.