La responsabilité des religions en temps de guerre: servir l’être humain et construire la paix

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Posté sur juil. 01 2015 7 minutes de lecture
La responsabilité des religions en temps de guerre: servir l’être humain et construire la paix
Nombreux sont ceux qui préfèrent ne pas associer les religions aux questions soulevées par les conflits dans leurs dimensions politique et sociale. Il y a ceux qui estiment que la religion est beaucoup trop noble pour être impliquée dans le cours des conflits de pensée et des intérêts sectaires, et ils tendent, avec une facilité exagérée, à la disculper des actes horribles commis en son nom, justifiant cette démarche par la distinction radicale entre la religion et ses adeptes.
Conformément à cette idée, ils font assumer la responsabilité de toute deviation ou déformation des principes religieux à certains adeptes qui auraient mal compris et mal appliqué les préceptes de la religion, alors même que ceux qui osent demander des comptes aux institutions religieuses, notamment par-rapport à leurs discours vis-à-vis de ces déviations, sont accusés de ne pas respecter la nature sacrée des religions.
De l’autre côté, il y a ceux qui estiment que les religions n’ont aucun rôle dans le traitement des crises et la résolution des conflits, du fait de leur incapacité et de l’inaptitude de leurs dignitaires à appréhender ces questions de nature politique et séculière, radicalement différentes des questions de nature spirituelle et sacrée. Ces personnes sont convaincues qu’il est préférable de limiter la religion au créneau qu’ils pensent être le sien, conformément au principe du respect de la liberté de croyance, et de l’implication dans la vie humaine sur une base civile globale et non confessionnelle.
Toutefois, les événements qui secouent notre région montrent à quel point il nous faut dépasser les deux positions évoquées ci-dessus et en adopter une troisième, notamment au regard des événements liés à la crise en Syrie et ses répercussions humanitaires et sociales, à l’instar de la dislocation du tissu social à l’intérieur du pays et de l’exode de millions de personnes vers les pays voisins, principalement le Liban. Cette troisième position prendrait en considération autant la nécessité d’éviter le risque de voir la religion utilisée comme outil de conflit, que l’importance du rôle joué par les institutions et les autorités religieuses pour limiter la politisation du discours religieux et véhiculer le message humanitaire et global des valeurs, face aux conflits confessionnels, sectaires. D’ailleurs, il est de plus en plus évident que les institutions religieuses peuvent jouer un rôle positif et nécessaire par le biais de leurs vastes réseaux, capables d’atteindre les populations visées et de déterminer leurs besoins, les services à leur offrir et la protection à leur assurer contre les dangers de l’extrémisme et de la violence.
En réalité, on ne peut séparer la religion de sa dimension liée aux valeurs humaines universelles, sous peine de la voir perdre le sens de son message, et de se transformer en un projet idéologique dont les partisans seront confinés dans des systèmes doctrinaux en dehors de la marche de l’histoire et de la civilisation humaine. Cela s’applique de manière essentielle aux deux religions chrétienne et musulmane qui, malgré les différences de doctrine, reconnaissent toutes deux la nécessité d’associer la foi en Dieu à la charité envers son prochain. Les Livres saints rappellent que l’origine de l’humanité est une (Adam et Eve) et que, par le fait même, les êtres humains forment une seule famille, et qu’ils sont frères. L’islam enseigne notamment que les humains sont tous des enfants de Dieu, ce qui ajoute au lien de solidarité une dimension sacrée qui sert de fondement à la relation entre les humains et Dieu: «Toute la créature constitue la famille d’Allah, le plus aimé d’Allah est le plus utile à sa famille» (Hadith du Prophète).
La paix représente ainsi la valeur sociale centrale véhiculée par les religions comme faisant partie de la mission de l’homme sur terre, en signe d’accomplissement de la volonté divine. Suivant les paroles du Christ: «Heureux les artisans de paix car ils seront appelés fils de Dieu» (Mathieu 5:9). L’islam va jusqu’à rattacher la foi à la charité et à l’instauration de la paix, selon le hadith suivant du Prophète: «Vous n’entrerez au Paradis que si vous êtes réellement croyants, et vous ne serez réellement croyants que si vous vous aimez les uns les autres. Voulez-vous que je vous indique une chose par laquelle vous vous aimerez les uns les autres? Répandez la paix («salam») parmi vous». Cela correspond à l’instauration de la justice et de l’égalité sociale. La paix en tant que valeur se traduit, socialement parlant, par la justice, sans laquelle le concept de la paix se transforme en une écorce creuse et en un slogan dénué de sens. C’est pour cela que les religions ont considéré la justice comme l’un des principes fondamentaux de l’exercice de la foi et de l’application des préceptes divins. Nous lisons dans le Coran: «Ô vous qui croyez! Soyez fermes dans l’accomplissement de vos devoirs envers Dieu, et impartiaux quand vous êtes appelés à témoigner! Que l’aversion que vous ressentez pour certaines personnes ne vous incite pas à être injustes! Pratiquez l’équité, vous n’en serez que plus proches de la piété! Craignez Dieu! Dieu est si bien informé de ce que vous faites» (Sourate de la Table – Al-Mâ’ida, 5:8). Le prophète Isaïe fait une belle description du Messie que les chrétiens ont reconnu en la personne du Christ: «Il ne jugera point sur l’apparence, Il ne se prononcera point sur un ouï-dire. Mais Il jugera les pauvres avec équité, et Il se prononcera avec droiture sur les malheureux de la terre. Il frappera la terre de sa parole comme d’une verge, et du souffle de ses lèvres Il fera mourir le méchant».
En vertu de ce qui précède, il est évident qu’il faut profiter de ces ressources religieuses et de l’impact de ce discours sur le public, pour concentrer tous les efforts en vue de faire régner la justice et la paix, préserver la dignité de l’homme, et se solidariser avec les moins nantis, sans distinction d’ordre confessionnel, ethnique ou de classe sociale. C’est ainsi que les institutions et les groupes religieux s’accordent sur la nécessité de s’intéresser non seulement à leur propre groupe, mais à l’humanité entière, tout en encourageant les croyants à faire de même.
Sur un autre plan, une telle position pousse les autorités religieuses à assumer leurs responsabilités dans l’évolution du discours religieux, de façon à le rendre plus cohérent avec la dimension des valeurs véhiculées par les messages divins, ainsi qu’avec les circonstances qui découlent des événements et de leurs retombées sur la société. En vertu du principe selon lequel la religion doit être consacrée au bien de l’homme, et non le contraire.
La fondation «Adyan» a adopté cette approche depuis le début de la crise syrienne, et considère qu’il faut gérer ses conséquences sur cette base. L’association a ainsi pu rassembler les différentes autorités religieuses dans le cadre d’un programme de construction de la paix par le biais de la réconciliation et du renforcement de la résilience sociale et interreligieuse face à la violence et à ses répercussions. Les autorités religieuses chrétiennes et musulmanes en Syrie et au Liban se sont retrouvées autour d’une vision commune visant à juguler l’extrémisme par l’élaboration de cursus pédagogiques, notamment d’enseignement religieux, ainsi que la création d’outils adéquats pour permettre aux prêcheurs et prédicateurs de mieux s’adapter aux circonstances actuelles et aux défis qu’ils soulèvent. De manière significative, ils ont réclamé la formation des secouristes et des travailleurs humanitaires, à la culture du respect de la différence, de la diversité religieuse et de la solidarité humaine, afin que le travail humanitaire ne se transforme pas en une source de discrimination et de tensions entre groupes disparates, mais qu’il demeure un moyen de préserver le tissu social diversifié, et une occasion de renforcer la coexistence sur les bases du respect de la différence et de la solidarité globale avec tous les êtres humains.

En réalité, on ne peut séparer la religion de sa dimension liée aux valeurs humaines universelles, sous peine de la voir perdre le sens de son message, et de se transformer en un projet idéologique dont les partisans seront confinés dans des systèmes doctrinaux en dehors de la marche de l’histoire et de la civilisation humaine
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juil. 2015
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