Le Liban a été en fait le pays de la région le plus touché par la crise syrienne, notamment avec les vagues d’exode vers le Liban dont la fréquence a été liée à la situation sur le terrain en Syrie.
Face à cette nouvelle réalité et dès le début de la crise, les problèmes de la vie quotidienne en relation avec les réfugiés syriens se sont imposés à l’agenda de l’ensemble des médias libanais que ce soit la presse écrite, les médias audiovisuels ou encore les sites d’informations électroniques. La couverture de ces sujets constituait une partie du travail quotidien des journalistes des différentes entreprises. Elle était diversifiée et englobait l’information au jour le jour, les enquêtes et les analyses qui allaient au-delà de l’information, ce qui a poussé ces médias à suivre de près tous les détails des répercussions d’autant qu’elles faisaient désormais partie de la vie quotidienne au Liban.
Cela nous pousse à nous poser des questions concernant la couverture médiatique au Liban de la question des réfugiés syriens. Nous commencerons par les mécanismes de cette couverture. Nous aborderons par la suite la question de l’éthique dans ce cadre précis et finirons par quelques constatations d’ordre général.
Observations concernant la couverture
Les chercheurs dans le domaine de la presse et de l’information définissent la couverture médiatique comme étant une opération visant à obtenir des informations et des détails en relation avec un événement particulier, à identifier ses circonstances, son emplacement, les noms des personnes impliquées, comment et quand il s’est produit, ainsi que d’autres indications qui rendent l’information publiable.
Si la question des réfugiés syriens au Liban (depuis le début de la guerre en Syrie, le pays a connu des vagues successives d’exode) est l’événement qui nécessite des informations et des détails, la couverture de cette question a constitué au cours des dernières années le pain quotidien des médias libanais, arabes et étrangers. Au niveau des médias locaux, la question des réfugiés syriens a souvent prévalu sur d’autres sujets intérieurs, en raison de l’impact sur la scène libanaise de la présence d’un si grand nombre de déplacés, au regard du nombre de Libanais et dont le taux a largement dépassé les normes reconnues dans le monde, selon les organisations internationales.
Dans un rapport publié dans le cadre du projet pour la consolidation de la paix au Liban du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) et qui comporte une étude menée par Maharat en 2015 sur l’« Observation de la xénophobie dans les médias libanais : représentation du Syrien et du Palestinien dans la couverture médiatique », il est apparu que le dossier de l’exode syrien est prédominant dans la couverture médiatique. Il a ainsi constitué 75 % de la couverture dans les journaux libanais durant la période d’observation et d’analyse (du 5 au 25 février 2015), en raison des échéances sociales, sécuritaires et politiques que pose l’immigration syrienne.
Bien que le dossier des réfugiés a continué d’occuper le devant de la scène dans les médias à une fréquence quotidienne, on constate également que le volume et la qualité de la couverture médiatique de la question des réfugiés syriens au Liban était tributaire de facteurs liés au cycle du travail journalistique quotidien et à la fréquence de diverses informations. La couverture médiatique était axée sur les points suivants :
– Le climat et les conditions atmosphériques et leurs impacts sur les réfugiés. Les journaux et les chaînes télévisées ont ainsi publié et diffusé des reportages sur la situation des Syriens dans les camps de la Békaa lors des tempêtes de neige et sur leur incapacité à se procurer un logement ou à se réchauffer.
– La situation sanitaire des réfugiés syriens, que ce soit au niveau de la propagation des maladies ou de la difficulté de se procurer un traitement.
– Les conditions de vie des réfugiés notamment avec le recul des aides des organisations internationales et des pays donateurs.
– La situation pédagogique des enfants des réfugiés et son impact sur l’enseignement public au Liban.
– Les visites d’inspection des représentants des organismes internationaux au Liban et la rencontre avec les responsables et les ministres concernés par le dossier de l’immigration syrienne.
– Les visites d’inspection des responsables étrangers dans les camps de réfugiés dans la Békaa ou dans des écoles publiques à Bourj Hammoud et ailleurs pour s’informer de près de la situation des réfugiés.
– Les conférences de soutien aux réfugiés syriens au Liban et dans les pays voisins accueillant des déplacés, qui se sont tenues à Beyrouth, au Koweït et dans d’autres pays.
Si nous essayons de passer du général au particulier, nous remarquons que la couverture par les médias libanais était soit préliminaire, axée sur la collecte des détails et des informations, ou sous forme de reportages réalisés après la survenue de l’événement, ou sous forme de suivi des événements et des nouveaux développements. Cela paraît dans les matières publiées ou diffusées. En fait, les journaux libanais ont consacré des pages entières pour écrire sur la question des réfugiés syriens, et les bulletins des différentes chaînes locales de télévision se sont étalés sur la question à travers des reportages réalisés par leurs correspondants dans les différentes régions libanaises.
En ce qui concerne le contenu, il était dans sa majorité basé sur une couverture neutre, dans le cadre de laquelle seuls les faits étaient exposés, ou explicative, avec des informations supplémentaires sur le fait du jour. Souvent, la couverture était partiale, dans le sens où l’accent était mis sur un côté déterminé de l’information, d’autres faits étant occultés, exagérés ou dénaturés.
Selon le rapport susmentionné, le ton de l’information tel qu’il apparaît dans la presse libanaise pendant la période d’observation a varié entre un langage neutre (49 %), suivi par une approche négative (27 %) lors de la couverture des événements en relation avec des informations sécuritaires, comme les perquisitions, les mesures de sécurité et les crimes commis par des ressortissants syriens. Le ton positif a constitué 24 % de la couverture médiatique. Les sujets portaient sur l’acheminement de l’aide aux réfugiés syriens, les initiatives pour assurer des logements et des écoles pour les enfants des déplacés, comme sur les catastrophes et les accidents dont sont victimes les réfugiés qui vivent dans des conditions difficiles.
L’éthique dans la couverture médiatique
La troisième partie du rapport « Observation de la xénophobie dans les médias libanais : représentation du Syrien et du Palestinien dans la couverture médiatique » a mis l’accent sur la question des médias libanais et la xénophobie. Un grand échantillon d’informations publiées dans les journaux et sur les sites électroniques ou diffusé dans les radios et sur les télévisions a été ainsi analysé. Le rapport a relevé plusieurs points à connotation xénophobe, comme le fait d’utiliser les sentiments d’inquiétude et de peur de l’autre, comme quoi les réfugiés syriens constituent une menace pour l’identité nationale, un fardeau pour l’État, une explication de la hausse du taux de criminalité et de l’accroissement des sentiments haineux et des propos ségrégationnistes, comme le recours à une rhétorique guerrière, telle que l’expression « bombe à retardement ».
La question de la discrimination dans les médias libanais vis-à-vis des réfugiés syriens nous ramène à ce qui a été mentionné dans la Charte d’honneur pour consolider la paix civile (élaborée par le projet « La consolidation de la paix au Liban » du Pnud en 2013) et sur laquelle on peut se baser pour traiter le problème de la déontologie dans la couverture médiatique de la question des réfugiés syriens au Liban.
Dans ce cadre, il est nécessaire de s’attarder sur plusieurs points, notamment :
– Les médias libanais ont rejeté les principes de la discrimination dans le traitement des sujets portant sur les réfugiés syriens et le refus de porter atteinte directement ou indirectement à la dignité des gens.
– Ils ont veillé à traiter avec professionnalisme et responsabilité sociale la question relative aux discours haineux.
– Ils ont fait preuve de précision et d’objectivité dans la rédaction, la réalisation et la diffusion des informations, des documents, des images et des photographies en relation avec les réfugiés syriens.
– les médias libanais ont enfin veillé à éviter les erreurs ou à recourir à des propos diffamatoires et discriminatoires en ce qui concerne la question des réfugiés syriens.
Quelques constatations
Partant de ce qui a été élaboré, il est nécessaire de s’attarder sur quelques constatations concernant la couverture médiatique portant sur les réfugiés syriens au Liban.
Sur le plan professionnel, elle a été globale, les différentes facettes du problème ayant été traitées. Dans ce cadre, le suivi sur le terrain était clair, notamment à travers le travail des correspondants et des reporters, qui ont relayé ce qui se passait de manière exhaustive. Le ton neutre et positif a primé lors des couvertures médiatiques, bien qu’une approche négative était observée dans certains médias. La couverture journalistique était axée dans la majorité des cas sur l’aspect humain, en mettant l’accent sur la souffrance des réfugiés syriens et la contribution des médias en vue d’acheminer l’aide en relayant cette souffrance.
Sur le plan déontologique, la couverture de la question des réfugiés syriens était en général basée sur des critères professionnels et éthiques. Mais selon les résultats du rapport susmentionné, elle a pris une tournure xénophobe. Cela impose que les médias abordent le sujet selon certains critères mentionnés dans la Charte d’honneur pour la consolidation de la paix civile.
Enfin, face à une crise de cette envergure, les médias libanais ont, dans la majorité des cas, travaillé avec une éthique et un professionnalisme dans des circonstances reconnues comme étant difficiles.