Le discours sur l’exode est totalement dépourvu du principe de fraternité humaine. Le monde se réfugie dans les statistiques. Pour lui, les gens ne représentent que des chiffres. Face à la faiblesse, l'épuisement et l'errance, il multiplie les frontières et les fortifie. Il déjoue les « agressions » de ceux qui connaissent la souffrance et l’exode, contre des « territoires nationaux » appartenant à des États qui célèbrent les textes des « droits de l'homme » sans aucun désir de les respecter.
Le monde a échoué dans sa recherche pour trouver une solution humanitaire durable au problème des réfugiés. Aucun d’entre eux n’a choisi le dénuement humanitaire total de son plein gré. Ils en sont arrivés là à cause d’une guerre qu’ils n’ont jamais voulue. Ce calice a déjà été bu par nombre de peuples : les guerres dans toute leur sauvagerie humaine, les chances de paix au souffle court. Malgré cela, les pays continuent à mobiliser leurs énergies dans des guerres qu’ils déclarent ou dans d’autres qu’ils mènent pour repousser des agressions. Aucun État, aucune institution internationale n’a pris la peine de construire une paix juste et non-sélective, de recueillir les victimes de la violence armée, de la famine, de l'injustice et de l’absence d’horizon.
La structure même des États n’est-elle pas terrible ? Il n’existe pas dans la composition de l’État une institution qui encourage la paix. Tous les gouvernements comprennent un ministère de la Guerre ou de la Défense. Il n'existe nulle part un ministère de la Paix. Ainsi, le monde se bat et guerroie, et la paix est gardée par les baïonnettes. Et afin de maintenir la paix, il est nécessaire de faire la guerre. N’est-ce pas cela qui est terrible ?
Entre une guerre et l’autre, une paix et l’autre, l'humanité est en train de perdre une grande partie de son âme. Elle vit dans une conscience bancale basée sur des raisons objectives : elle justifie le rythme de l’armement, elle établit une économie mondialisée par la force du produit… et la guerre est un produit populaire et rentable.
On dit « malheur aux faibles » ! Ils paient le prix des guerres que se livrent les puissants. Et l'homme, qui ne dispose sur cette terre que ses avoirs et ses rêves, les perd les uns après les autres. Il s’enfuit et voyage avec ses pieds, et boite avec son cœur. Il s’en va mais n’arrive jamais. On le regarde comme un étranger. Il est reçu dans des tentes, autour de lui la police se militarise. Il vit de charité internationale, pendant qu’il mâche sa misère et sa douleur, et panse patiemment ses blessures.
Pauvre monde, il mérite la pitié.