Darwiche et el-Rass signent Ard el-Samak Revisiter la langue, l’identité et les frontières

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Posté sur mars 01 2016 4 minutes de lecture
Sur la Toile, dans les recoins de Beyrouth, la colère, la révolte et le besoin de renouveau éclatent à cris de slam, de rap, de musique et de collaboration entre artistes libanais et syriens.

Lalbum Ard el-samak de Darwiche, produit par el-Rass, en est un exemple parfait.

Originaire de Homs, Hani al-Sawah, alias Darwiche, est installé à Beyrouth depuis 2012, la capitale libanaise quil avait visitée notamment en 2011, pour participer à un album collectif, Khatt Talet, regroupant plusieurs rappeurs du monde arabe. Cest alors quil tisse des rencontres, des collaborations et des amitiés, lui permettant, une fois installé au Liban, de vivre, survivre et avoir un toit pour dormir, du moins les premiers temps, avant de shabituer à Beyrouth.

 

Cela lui a pris beaucoup de temps. A Beyrouth, il ne voyait aucun côté positif, considérant la ville comme nuisible, comme « une ville du Golfe à lintérieur de Bilad al-Cham », avec ses exigences de vie et son système économique versant dans ce sens. Mais en réalité, « les gens nous ressemblent, ils ne ressemblent pas à ceux du Golfe. A Beyrouth moins, mais plus on va vers le sud ou vers le nord, plus les ressemblances sont grandes ». Des ressemblances qui se sont tout de suite fait sentir dès la première rencontre avec Mazen el-Sayed, alias el-Rass, originaire de Tripoli : une connivence dans lidentité, la culture, les traditions, la vie, les questionnements et le soufisme dans son sens le plus large.

Cette connivence, à la fois humaine, professionnelle et particulière, basée sur limprovisation et la réflexion, tous les deux l’évoquent demblé; leurs propos, recueillis séparément, ne cessent de se recouper sur tant et tant de sujets, de problématiques et de questionnements, spontanément, par une synergie de pensées et dobjectifs.

Vers une unité autre

Question didentité, de frontières, de redéfinition des espaces géographiques, de ressemblances par-delà ces frontières, de religion, de laïcité, d’équilibre au cœur de la particularité que présente la ville de Beyrouth, « une île de possibles dans un environnement explosif », de responsabilité artistique, de l’échec dune ère qui a prouvé son incapacité, de la nécessité dun renouveau dans le monde arabe forcément lié à la langueLa discussion entre Darwiche et el-Rass ne cesse de simbriquer avec leur engagement socio-politique et artistique.

Lalbum Ard el-Samak (Terre du poisson) renvoie, de par son titre, à cet être exilé de son environnement, ce poisson qui rappelle notre si courte mémoire qui ne fait que répéter les mêmes erreurs, sans même sen rendre compte. Si Darwiche présente lalbum davantage comme un recueil, un livret contenant des idées écrites sous forme de textes et complété par la musique del-Rass, hésitant même quant à lemploi du mot rap, au vu de tous les stéréotypes qui y sont accolés, il insiste sur la spécificité de ce « rap arabe », qui est en train de se construire depuis 5 à 6 ans, et qui est un développement logique et normal de la langue. Cette langue arabe qui est lun des vecteurs essentiels de lidentité, comme le précise el-Rass.

Les idées ne cessent de se recouper, au-delà de ce à quoi les gens peuvent sattendre ou espérer de cette collaboration. Cest ainsi que Darwiche affirme demblée son étonnement à chaque fois quon lui demande si cette collaboration contribue à faire évoluer les relations libano-syriennes. « Mais de quelles relations dabord ? », sexclame-t-il, celle « du mandat syrien, du régime syrien et de ses alliés Libanais ? ».

Affirmant être de ceux qui croient que le fait de mettre des frontières entre un pays et un autre, sur 60 ans, ne créé pas deux sociétés civiles séparées, il pense quactuellement « on est en train de créer un nouveau concept de ce quest lunité, d’être sur un même front, davoir un ennemi commun… ».

« Je vois cela comme une expansion géographique dune nouvelle génération à travers le monde arabe. Il y a une communauté qui se bâtit sur un concept dunité, mais qui est moderne, nouveau, qui nous ressemble et ressemble à ce quon veut», affirme-t-il.

Le même sourire en biais anime les traits del-Rass, qui précise que ce « travail commun ne se base pas sur une délimitation précise de lidentité », la question d’être Libanais ou d’être Syrien est ouverte, cest une « feuille blanche » qui constitue à la fois un point de départ et un terrain de travail, où s’écrivent, en mots et en musique, les idées échangées, pour peut-être sentir un jour que ces idées-là serviront à bâtir une approche de lidentité « qui nous convient, parce que ce qui est actuellement "sur le marché" ne nous correspond pas ».

 
 
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