« Il y a des agences et des groupes dont la mission est d’inciter les chrétiens à quitter leurs pays », regrette-t-il, jugeant « irresponsable » toute déclaration, même de bonne foi, qui inciterait les chrétiens à quitter l'Irak.
Dans deux pays liés par la guerre comme des vases communicants, ces propos valent aussi pour la Syrie, qui se disloque sous nos yeux. Venus du grand réservoir de réfugiés de Turquie, ses jeunes, souvent avec femmes et enfants, se ruent sur l’Europe.
« Je peux confirmer que les déplacés ne sont pas les seuls à partir, précise le patriarche Sako. D’après les prêtres que je rencontre, on trouve aussi parmi eux des personnes qui gagnent bien leur vie, comme employés de banque par exemple. Des gens qui n’auraient pas besoin de partir. Ces personnes sentent qu’une occasion s’ouvre à eux, alors de crainte que cette fenêtre ne se referme trop vite, ils en profitent ».
Cette mentalité « d’occasion à saisir » se généralise aussi en Syrie. Dans un entretien accordé à une radio européenne, le Nonce apostolique à Damas, Mgr Mario Zenari rapporte : « C’est devenu de mode. Quand quatre ou cinq personnes se retrouvent pour prendre le café, elles parlent des moyens de quitter la Syrie. C’est le cas aussi bien pour les chrétiens que pour les musulmans. C’est triste. C’est le signe qu’on a déjà perdu l’espoir dans un avenir meilleur pour la Syrie ; qu’on ne voit plus le bout du tunnel. »
Ce qui est tout aussi triste, c’est que ce sont les forces vives de la nation syrienne qui partent. La majorité de ceux qu’on voit sur les écrans arriver en Europe ont entre vingt et quarante ans. Les télévisions s’attardent sur la crise que représente leur accueil. Mais vu de Syrie, cette immense hémorragie humaine est un grand drame.
« C’est une véritable tragédie de voir une nation privée de ses jeunes, et donc de son futur », se lamente le Nonce, songeant au tissu social ainsi déchiré, que seule une jeune élite éduquée aurait pu aider à réparer.
Allons-nous assister, les bras croisés, à la disparition d’un pays, au risque d’être accusés par l’histoire de non-assistance à nation en danger ?